Émile Magazine

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L'infiltré - Du côté de chez Arnys

LES COSTUMES ARNYS MARQUENT UN NOUVEAU REBOND DANS L'AFFAIRE FILLON QUI SEMBLE INTARISSABLE. CETTE SEMAINE, L'INFILTRÉ S'EST AMUSÉ À DÉCORTIQUER LES MOEURS VESTIMENTAIRES DE NOS HOMMES POLITIQUES...

Les hommes politiques sont coquets : ils aiment les beaux costumes, les belles cravates, les beaux souliers. Surtout quand on les leur offre. Cette semaine, tout naturellement, l'actualité nous conduit donc à parler chiffon.

Le tailleur de la rue de Sèvres se serait sans doute volontiers passé de cette mauvaise publicité, lui qui cultive la plus grande discrétion depuis qu’il est hébergé par la marque Berluti, chausseur de stars depuis Andy Warhol jusqu’à Roland Dumas...

A l’époque, le ministre des affaires étrangères de François Mitterrand s’était vu reprocher le cadeau d’une paire de mocassins orthopédiques à 11 000 francs par Christine Deviers-Joncours.

Rien de nouveau sous le soleil donc, surtout à l’angle de « Sèvres-Bab ».

Les amis, comme les maîtresses, peuvent avoir envie de faire des cadeaux. Les hommes politiques de continuer à les accepter.

Le problème n’est donc pas d’offrir à François Fillon des costumes même si, par les temps qui courent et compte tenu du nombre de balles perdues, il aurait plutôt besoin du modèle « veste de chasse matelassée » de chez Arnys.

Non. Le problème ce serait qu’on découvre qu’Arnys est le seul endroit de Saint-Germain-des-Prés où l’on peut payer en liquide au delà de 1000 euros. Ça pourrait donner des idées aux autres.

Car soyons juste : François Fillon n’est pas le seul à s’habiller chez Arnys. On dit même que des hommes de gauche (et de goût) y viendraient...

Vérification faite, il semble que la boutique ait comme client assidu Pierre Moscovici qui en a fait, avec le café de Flore et la librairie Gallimard, un des trois sommets de son triangle d’or.

On raconte également que l’actuel Premier ministre a accompagné par le passé François Fillon pour des séances de shopping bras dessus, bras dessous.  On rêverait de voir les vidéos des essayages.

Depuis, il semblerait que la relation entre les deux se soit singulièrement distendue et pas seulement pour des raisons politiques.

Quand Bernard Cazeneuve est devenu, selon QG, l'homme le plus élégant de France, son camarade de shopping n'a guère apprécié la distinction et l'a fait savoir. 

«Ce qui m'agace c'est quand je baisse dans les classements. Il y en a un récent où Bernard Cazeneuve était devant moi, a raconté l’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy en novembre dernier. Je lui ai fait part de mon mécontentement. Je lui ai envoyé un message pour lui demander de quelle(s) perquisition(s), il avait menacé les journalistes.»

Ironie de l’histoire, c’est aujourd’hui Arnys qui risque d’être perquisitionné à cause de François Fillon...

Pour ne pas faire de mauvaises rencontres, on conseillera donc à Bernard Cazeneuve de négliger cette adresse pendant quelques temps et de retourner gare du Nord.

C’est là en effet que, lors de son passage au ministère des affaires européennes qui le conduisait à faire plusieurs fois par semaine le voyage pour Bruxelles, Bernard Cazeneuve a pris l’habitude d’acheter ses cravates, à la boutique Tie Rack pour être précis.

Prix maximum conseillé : 39 euros. A ce tarif, il n’est pas indispensable de se les faire offrir.

Il faut dire que la cravate est le seul accessoire vraiment indispensable à l’exercice politique. Interdiction est faite, par exemple, de pénétrer col ouvert dans l’Hémicycle de l’Assemblée nationale.

On assiste ainsi régulièrement à des séances d’habillage improvisées derrière le rideau au cours desquelles le député distrait noue en catastrophe la cravate que lui tend l’huissier, forcément irrité d’avoir à rappeler la règle.

Dans ce cas-là, le choix est réduit et, comme souvent en politique, binaire : l’accessoire sera bleu ou rouge.

Mais, pour certains, le vestiaire n’est pas seulement la marque de l’élégance. C’est leur seule raison d’exister, le seul moyen de se faire voir. Dans ce cas, il faut privilégier la couleur.

Par le passé, Patrick Roy, député socialiste du Nord et par ailleurs fan de heavy métal, avait pris l’habitude de porter une veste rouge-sang dans l’Hémicycle. Il fut le premier à oser la couleur. Qu’il lui soit rendu hommage ici.

Aujourd’hui, c’est le cas du « canari ». C’est comme ça qu’on le surnomme à l’Assemblée. En réalité, il s’appelle Lucien Degauchy et il est député LR de l’Oise.

Pour passer à la télévision lors des séances dans l’Hémicycle, il a une technique bien à lui. Il se poste juste au-dessus de celui qui parle et hoche la tête. On ne voit que lui avec sa veste jaune.

Le reste de la semaine, il erre dans les couloirs de l’Assemblée où personne ne le connaît, où personne ne le reconnaît. C’est normal, il porte l’uniforme parlementaire traditionnel : un costume bleu-nuit. 

Certes, la couleur est un peu passée et ce n’est pas du sur-mesure, mais c’est lui qui l’a payée... D’ailleurs, il ne sait pas où se trouve cette boutique Arnys dont tout le monde parle.