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Comment la Palestine fut perdue - Rencontre avec Jean-Pierre Filiu

À l'occasion de la sortie de son ouvrage Comment la Palestine fut perdue et pourquoi Israël n'a pas gagné (Seuil, 2024), Sciences Po Alumni a organisé une visio-conférence avec Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po. Il revient sur l’histoire du conflit, l’implication des autres acteurs internationaux et les solutions pour en sortir. Nous vous proposons de visionner le replay de cette conférence.

Propos recueillis par Bernard El Ghoul, Caroline Blackburn et Maïna Marjany

Comprendre comment la Palestine fut perdue, et pourquoi Israël n’a pourtant pas gagné, participe d’une réflexion ouverte sur l’impératif d’une paix enfin durable au Moyen-Orient et, donc, sur le devenir de ce nouveau millénaire, nous explique Jean-Pierre Filiu.

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Les moments forts de la conférence :

« Il y a six mois, on pensait que la question palestinienne était enterrée, que la normalisation israélo-arabe allait faire oublier ce conflit du passé. Les conflits qu’on ne règle pas sont ceux qui, généralement, éclatent avec la plus grande violence…

« Je l’écris dès l’introduction du livre : toutes les émotions sont légitimes face à ce conflit (la rage, l’indignation, la sidération…) sauf la surprise. En 2014, j’avais écrit, dans l’ouvrage Histoire de Gaza (Fayard), que l’idée de gager la sécurité d'Israël sur l'insécurité permanente de la population de Gaza était bien sûr moralement discutable, mais surtout une illusion tragique du point de vue stratégique. »

« La clé du conflit ne sera pas militaire vu les liens si intimes des deux peuples sur la même terre. Le règlement ne pourra être que politique sinon le conflit se poursuivra voire s’aggravera. »

« On est vraiment à un moment charnière. Soit ce cycle complètement dévastateur et suicidaire de guerres, chacune plus ignoble, plus atroce que la précédente, se poursuit ; il n'y aura alors pas de perdants, pas de gagnants. Ce sera du perdant-perdant. Soit on avance, avec un calendrier, vers l'établissement d’une solution à deux États, qui est la seule solution pour Israël. »

« Ma thèse, dans ce livre, est de voir comment la Palestine a été perdue car il y a des atouts historiques qui vont faire du projet sioniste, puis de l’État d’Israël, la partie dominante dans ce conflit, et des faiblesses côté palestinien. »


Si vous estimez connaître assez du conflit israélo-palestinien pour en nourrir des opinions définitives, mieux vaut ne pas ouvrir ce livre. Vous risqueriez d’y apprendre que le sionisme fut très longtemps chrétien avant que d’être juif. Et que l’évangélisme anglo-saxon explique beaucoup plus qu’un fantasmatique « lobby juif » le soutien déterminant de la Grande-Bretagne, puis des États-Unis à la colonisation de la Palestine.

Vous pourriez aussi découvrir que la soi-disant « solidarité arabe » avec la Palestine a justifié les rivalités entre régimes pour accaparer cette cause symbolique, quitte à massacrer les Palestiniens qui résistaient à de telles manœuvres. Ou que la dynamique factionnelle a, dès l’origine, miné et affaibli le nationalisme palestinien, culminant avec la polarisation actuelle entre le Fatah de Ramallah et le Hamas de Gaza.

Comment la Palestine fut perdue, et pourquoi Israël n'a pas gagné : Histoire d'un conflit (XIXe-XXIe siècle), Jean-Pierre Filiu, Seuil, 9 février 2024


Jean-Pierre Filiu est professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po, où il enseigne un cours d’introduction à la question palestinienne. Il a aussi été professeur invité dans les universités de Columbia (New York) et de Georgetown (Washington). Depuis 1980, il séjourne régulièrement en Israël et dans les territoires palestiniens. Il est l’auteur, entre autres ouvrages, de Mitterrand et la Palestine (Fayard, 2006), d’Histoire de Gaza (Fayard, 2012) et de Main basse sur Israël (La Découverte, 2019). Sa chronique hebdomadaire « Un si proche Orient », publiée depuis 2015 sur le site du Monde, a déjà attiré des millions de lecteurs.