Point de vue - Martine Ladoucette, directrice d'hôpital

Point de vue - Martine Ladoucette, directrice d'hôpital

La rubrique Points de vue de campagne laisse la parole à des Alumni qui évoquent les enjeux de leur profession ou de leur territoire. Pendant plus de 30 ans, Martine Ladoucette (promo 81) a occupé divers postes de direction dans plusieurs hôpitaux français. Diplômée de Sciences Po et de l’École nationale de la santé publique, elle est aujourd’hui à la tête du CHU de Nîmes.

 

Selon vous, quels sont les grands enjeux politiques dans le domaine de la santé publique ?

J’en vois deux. Premièrement, la gestion de la démographie médicale. Nous sommes confrontés à une désertification médicale croissante. Le problème ne porte pas tant sur le nombre global de médecins que sur la très mauvaise répartition géographique des généralistes et des spécialistes. La France est ainsi coupée en deux entre des régions très bien dotées voire surdotées – globalement la région parisienne et la région PACA – et des zones dans lesquelles il n’y a plus de médecins. C’est un vrai enjeu de santé publique, les politiques commencent à s’en apercevoir mais pour le moment, cela reste un enjeu d’élection locale.

Le deuxième défi c’est la nécessité de mener à bien des restructurations hospitalières. Notre système de santé, qui fonctionne énormément autour de l’hôpital, a eu son heure de gloire mais connaît aujourd’hui ses limites.

Comment restructurer l’hôpital ?

De plus en plus de voix s’accordent pour reconnaître qu’il y a trop de lits en France. Un lit vide ou mal occupé coûte cher. La restructuration hospitalière c’est accepter l’idée qu’on va fermer des lits. Aujourd’hui, il existe de plus en plus d’alternatives à l’hospitalisation classique : l’hospitalisation de jour et le concept d’hospitalisation à domicile, qui n’est pas assez développé en France. Le déploiement de ces alternatives doit avoir comme contrepartie la fermeture de lits voire la fermeture d’établissements. Mais cela ne peut fonctionner que si la médecine de ville répond présent. Les médecins doivent être mieux répartis sur le territoire et les médecins libéraux doivent accepter de participer à la permanence des soins, notamment les gardes de nuit et de week-end qu’ils ne font plus car elles ne leur sont plus imposées. C’est compliqué car cela se heurte forcément à toutes sortes de résistances, politiques et corporatistes.

« LUTTER CONTRE LA DÉSERTIFICATION MÉDICALE ET RESTRUCTURER L’HÔPITAL. »

Comment les politiques peuvent agir sur ces problématiques ?

Des mesures sont déjà dans l’agenda politique. Par exemple, la réforme impulsée par le gouvernement actuel apporte l’idée que les hôpitaux doivent désormais coopérer entre eux. L’objectif serait de former des équipes médicales qui ne travaillent plus pour un seul hôpital, mais pour deux ou trois. Un établissement de santé qui a la chance de pouvoir recruter et fidéliser des médecins pourrait ainsi contribuer à la présence d’un personnel médical de qualité dans les hôpitaux environnants, plus en difficulté. Les textes sont encore en cours d’élaboration donc nous ne sommes qu’aux prémices de la réflexion. Évidemment, ce n’est pas sans poser quelques problèmes et susciter de fortes réticences voire des oppositions de principe de la part de syndicats de médecins hospitaliers qui craignent une dégradation des conditions de travail.

Si vous aviez trois demandes à faire au futur président de la République dans le domaine de la santé, quelles seraient-elles ?

La première est d’agir efficacement, en dépit des nombreux lobbyings, sur tout ce qui permettra le rééquilibrage des entités médicales, que ce soit en médecine libérale ou en médecine hospitalière sur l’ensemble du territoire. C’est compliqué d’un point de vue politique car les médecins constituent un corps électoral puissant, auquel les différentes majorités ne peuvent être insensibles.

La deuxième demande, c’est d’avoir le courage politique de porter jusqu’au bout les réformes de restructuration hospitalière. La médecine coûte de plus en plus cher, de par le progrès médical et de par le vieillissement de la population, par conséquent, on ne pourra pas se contenter d’économies à la petite semaine.

La dernière demande est de favoriser toutes les formules possibles d’intéressement individuel et collectif au sein de l’hôpital public, ce qui n’existe pas aujourd’hui. Des efforts importants sont demandés au personnel hospitalier, une telle mesure leur permettrait d’être encouragés en cas d’excédent financier.

Propos recueillis par Maïna Marjany (promo 14)

Crédit photo : DR

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