Enquête - Les Sciences Po et le Parlement

Enquête - Les Sciences Po et le Parlement

Le 12 février, la rédaction d'Émile organise une grande conférence sur le rôle du Parlement sous l'ère Macron. Pour nourrir le débat, nous avons interrogé les Sciences Po sur leur rapport aux institutions parlementaires. Les étudiants et les alumni sont-ils satisfaits du fonctionnement du pouvoir législatif ? Constatent-ils un changement depuis l'arrivée de la République en Marche au pouvoir ? Quelles pistes de réformes soutiennent-ils ? Nous vous dévoilons, en avant-première, les résultats de cette enquête qui seront présentés lors de la conférence.

Vous avez été nombreux à répondre à ce questionnaire : plus de 700 côté alumni et près de 400 côté étudiants. 

Les connaissances des Sciences Po à propos des institutions législatives de la Vème République

Le premier constat simple que l’on tire de notre enquête, c’est que la quasi-totalité des alumni a déjà été électeur lors d'un scrutin législatif (95%), quand près de 30% des étudiants n’ont pas (encore) glissé de bulletin dans l’urne pour les législatives.

On remarquera également que près de 15% des anciens ont participé aux élections sénatoriales contre 3% seulement des étudiants.

Les Sciences Po ont un avis relativement homogène sur la durée du processus d’élaboration de la loi en France : près de 80% des répondants estiment le délai entre 1 et 2 ans. Mais, 47% des anciens estiment ce processus d’élaboration des normes trop long, contre seulement 38% des étudiants.

Les alumni, comme les étudiants, savent à plus de 85% que l’Assemblée nationale est la chambre qui a le dernier mot dans le processus normatif. Et un grand nombre d'entre eux estime que le fait majoritaire n’est pas une idée dépassée (71% des alumni et 66% des étudiants).

Cette première partie de l’enquête montre donc que les Sciences Po sont relativement bien renseignés sur le fonctionnement du Parlement en France.

Les réactions des Sciences Po sur le Parlement du quinquennat Macron

Plus surprenant, quand on les interroge sur la défaite des anciens partis aux législatives de juin 2017, les étudiants sont plus nombreux (21%) que les anciens (15%) à s’estimer déçus de ce renversement de paradigme.

Dans le même sens, les anciens sont plus nombreux (76% contre 73% pour les étudiants) à voir comme quelque chose de positif l'entrée de la « société civile », en nombre, à l’Assemblée.

Quand on interroge les étudiants sur l’action des acteurs institutionnels depuis le début du quinquennat, ils sont moins nombreux que les anciens à approuver la politique du pouvoir exécutif. Ainsi, les étudiants sont moins enthousiastes que les alumni vis à vis de l’action du Président de la République : 56% l’estiment positive ou très positive contre 71% chez les anciens. C'est également le cas pour l’action du Premier Ministre (50% d’avis positifs chez les étudiants contre 68% chez les anciens).

Les étudiants sont plus nombreux à estimer l’action de l’Assemblée nationale comme mauvaise ou très mauvaise (27% contre 21% chez les anciens), mais les élèves de la rue Saint-Guillaume sont moins sévères que les alumni concernant l’action de l’opposition qu’ils ne sont que 49% à juger mauvaise ou très mauvaise contre 68% des alumni.

Concernant le rôle de l’Assemblée Nationale, 47% des anciens et 62% des étudiants l’estiment passif depuis le début du quinquennat, confortant l’idée d’un pouvoir exécutif « jupitérien ».

Quant au rôle du Sénat, les avis sont plus partagés, et ce tant chez les étudiants que les anciens. En effet, 20% des étudiants jugent son rôle actif, 30 % le jugent passif et 26% inexistant. Les résultats sont assez semblables du côté des alumni, qui qualifient son rôle d'actif à 38%, passif à 25 % et inexistant à 22%. 

Les Sciences Po et le pouvoir législatif en France au XXIème siècle

Nous avons enfin souhaité interroger les Sciences Po sur leur vision prospective du Parlement pour la France du XXIème siècle.

Près de 70% des anciens disent avoir connaissance d’une réforme en cours du Parlement, contre 60% des étudiants ; cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron semble donc avoir davantage marqué les électeurs plus âgés.

Pour ce qui est des chances du gouvernement d'obtenir une majorité des 3/5 au Parlement (ce qui permettrait une modification de la Constitution), les avis sont assez partagés, et ce, au sein même des deux groupes: 48% des étudiants et 42% des alumni pensent que ce sera le cas, 33% des élèves et 36% des anciens en doutent. 

Si cette réforme ne passait au Parlement, 90% des alumni et 84% des étudiants se disent prêts à participer à un référendum sur le sujet.

Par ailleurs, l'idée d'un référendum paraît assez populaire parmi les citoyens français. En effet, dans un sondage Harris Interactive, paru en février 2018, 85% des personnes interrogées souhaitent que cette réforme se fasse par le biais d’un référendum.

Aussi, lorsque l’on demande aux Sciences Po quelle est la réforme prioritaire pour le Parlement, les anciens de Sciences Po plébiscitent la limitation du nombre de mandats dans le temps (75% des suffrages), alors que les étudiants de la rue Saint-Guillaume souhaiteraient, à une large majorité, la mise en place d’un droit de pétition des citoyens (73% des suffrages) en priorité.

La mise en place d’un scrutin proportionnel intégral n’est pas une idée de réforme très populaire, tant chez les diplômés (64% sont contre) que chez les étudiants (48% y sont opposés). 

Concernant la confiance envers les institutions, les Sciences Po - étudiants comme alumni - ont une bonne opinion du Conseil Constitutionnel : plus de 80% d'entre eux ont "très" ou "plutôt" confiance dans cette institution. 

La seule institution dont les deux groupes se méfient est le Conseil Économique Social et Environnemental : les alumni déclarent, par exemple, ne pas lui faire confiance à plus de 63%.

Les étudiants sont quant à eux relativement méfiant vis à vis du Sénat : 38% d’entre eux déclarent ne pas avoir confiance ou ne pas du tout avoir confiance envers les occupants du Palais du Luxembourg.

Si on compare ces chiffres au dernier Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF, datant de janvier 2018, on se rend toutefois compte qu'il existe des divergences notables entre les Sciences Po et la population française en général. 

Nous avons également voulu savoir si les étudiants et les anciens estimaient que le nombre de députés est trop élevé. La réponse a été sans appel chez les anciens qui répondent oui à 72% contre seulement 53% des étudiants. Les deux groupes estiment que le bon nombre de députés se situerait entre 200 et 400 élus. Il faut néanmoins noter, que beaucoup d’étudiants se déclarent sans opinion (28%, soit plus que pour n’importe quelle autre proposition).

Concernant le Sénat, les anciens comme les étudiants s’accordent sur son rôle de représentation des territoires, même si l’avis est plus nuancé chez les étudiants (50% de réponses positives) que chez les alumni (77% de réponses positives).

Enfin, interrogés sur le rôle du Président de la République comme arbitre du Parlement, 77% des anciens et 69% des étudiants estiment que celui-ci doit conserver son pouvoir de dissolution de l’Assemblée Nationale. Néanmoins, à la question suivante, 75% des alumni et 78% des étudiants estiment que le Parlement doit être un contre-pouvoir dans notre République.



Enquête et compte-rendu réalisés par : Guillaume Chomette, Alexandra Slon et Souad Talal

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