Marie-Charlotte Garin, la “génération climat” au Palais Bourbon

Marie-Charlotte Garin, la “génération climat” au Palais Bourbon

Quelques mois après les élections législatives, Émile vous propose une série de portraits de députés diplômés de Sciences Po. Rencontre avec Marie-Charlotte Garin (promo 18), députée EELV de la troisième circonscription du Rhône qui incarne l’un des nouveaux visages de l’Assemblée.  

Par Ismaël El Bou-Cottereau

Dans la foulée de son élection au Palais Bourbon, certains l’ont prise pour une stagiaire. Depuis, ce malentendu s’est dissipé – à quelques exceptions près. « On ne me renvoie plus trop à mon âge même si un de mes collègues – pas de mon groupe – m’a dit, il n’y a pas longtemps, “bonjour jeune fille” », explique Marie-Charlotte Garin.  À tout juste 27 ans (26 au moment de son élection), elle est la plus jeune députée du groupe écologiste, mais refuse d’être simplement ramenée à son âge : « Je suis consciente que mon profil tranche, mais c’est vraiment en travaillant qu’on gagne une reconnaissance par les pairs. J’ai beaucoup bossé depuis le début du mandat. On ne se dit donc pas que c’est la petite jeune, mais que c’est l’écolo qui siège à la commission des affaires sociales », raconte-t-elle à Émile

De l’engagement associatif à l’engagement politique

Née d’un père journaliste et d’une mère secrétaire d’ambassade, elle entre à Sciences Po en 2013, où elle co-préside une association de solidarité pour les sans-abris et les réfugiés. Son diplôme de master en développement international en poche, elle déménage à Lyon pour travailler à Handicap international. Fin août 2018, la démission d’un « certain ministre qui disait que les petits pas ne suffisaient pas », est un déclic pour Marie-Charlotte Garin. Elle ne prononce pas le nom de Nicolas Hulot, icône déchue de l’écologie depuis les multiples accusations de viols et d’agressions sexuelles à son encontre ; mais les propos de l’ancien animateur d'Ushuaïa l'interrogent sur les limites de son propre engagement. « J’avais l’impression, avec mon engagement associatif et mon mode de vie, que j’étais au maximum de mes petits pas. J’ai donc recherché un engagement collectif et, à ce moment-là, j'ai passé la porte d’Europe Ecologie les Verts.  Je ne saurais pas dire pourquoi ce parti en particulier, à part que ce déclic s’est fait autour des questions environnementales », se souvient-elle. 

Après les bons résultats d’EELV aux élections européennes de 2019, elle participe activement à la campagne des municipales à Lyon. En 2020, l’écologiste Grégory Doucet, avec qui elle travaillait à Handicap International, gagne la ville et élimine l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, maire depuis 2001. Marie-Charlotte Garin garde le souvenir d’une campagne « incroyable » : « On a réussi à innover, en inventant des dispositifs de sociocratie. J’ai le souvenir extraordinaire d’une assemblée générale à 200 en validant ensemble nos 13 points de programme, tenter de faire de la politique autrement » .

La députée parle avec beaucoup plus de passion et de sincérité de la campagne de Grégory Doucet que de celle de Yannick Jadot pour l’élection présidentielle. « On n’a pas fait la meilleure campagne qu’on pouvait faire », admet-elle, en euphémisant les raisons du mauvais score – moins de 5% – du candidat écologiste, alors même que l’urgence climatique est sur toutes les lèvres et que la génération climat, dont elle dit faire partie, défile dans les rues. À cette époque, Marie Charlotte Garin est directrice de cabinet à la mairie du 5ème arrondissement de Lyon et n’a donc pas beaucoup de temps à consacrer à la présidentielle : « Cela s’est limité à des tractages et des actions de terrain », concède-t-elle.

« Les écolos au pouvoir, ce ne sont pas des amish avec des lampes à huile. L’écologie au pouvoir, ça marche ! »
— Marie-Charlotte Garin

Elle balaie aussi d’un revers de main les polémiques émanant de son parti aux un peu plus de 10 000 adhérents – interdiction du Tour de France regardé par 40 millions de Français, interdiction des sapins de Noël, et autres duels politiques à base de quinoa et de barbecue – qui ont contribué à détruire le capital politique engrangé par EELV. Comme le rappelait le sociologue et philosophe des sciences Bruno Latour, « l’écologie politique réussit l’exploit de paniquer les esprits tout en les faisant bailler d’ennui ». « On est dans une guerre de communication avec des gens qui veulent nous faire passer pour des rabats-joie qui ne veulent qu’interdire », répond Marie-Charlotte Garin. « Notre responsabilité, c’est d’inverser ce récit. Sur le terrain, on l’inverse. Les écolos au pouvoir, ce ne sont pas des amish avec des lampes à huile. L’écologie au pouvoir, ça marche ! ».

Exister au sein du Palais Bourbon

Marie-Charlotte Garin a conscience que son élection doit beaucoup à la Nupes. Éparpillée façon puzzle, les différentes composantes de la gauche se sont rassemblées pour sauver les meubles. Jean-Luc Mélenchon n’est pas devenu Premier ministre, mais le PS a évité une saignée électorale aux législatives, et les écologistes ont un groupe à l’Assemblée, ce qui n’était pas le cas lors de la dernière législature. Grâce à cet accord, elle bat, en juin dernier, Sarah Peillon, suppléante de Jean-Louis Touraine, ancien socialiste passé à La République en Marche, qui fut député de la troisième circonscription du Rhône entre 2007 et 2022. 

Au palais Bourbon, elle siège à la commission des affaires sociales et souhaite aborder l’écologie de façon « transversale », porter les questions liées au handicap, « angle mort de nos politiques publiques », et sensibiliser à la santé mentale des jeunes. Mais le moteur de son engagement politique reste l’urgence climatique : « si on avait des dirigeants à la hauteur de cet enjeux, je ferais probablement autre chose. Un mandat politique est coûteux en termes d'investissements personnels, cela demande beaucoup de renoncements. Si j'avais confiance dans les personnes qui nous gouvernent, je ferais autre chose car j’ai d’autres appétences, d'autres compétences. Le mandat est la prolongation d’un engagement militant ».

« Selon moi, elle incarne deux choses qui comptent beaucoup : la génération climat qui veut agir, et le renouvellement d’une assemblée jeune et féminisée. »
— Grégory Doucet, maire de Lyon

Depuis son élection, nombreux sont ceux qui louent son énergie et son investissement dans les dossiers, comme la détresse des enfants sans-abris dans sa circonscription. Joint par Émile, le maire de Lyon, Grégory Doucet, ne tarit pas d’éloges : « Selon moi, elle incarne deux choses qui comptent beaucoup : la génération climat qui veut agir, et le renouvellement d'une assemblée jeune et féminisée. Elle a un parcours incroyable et est déjà une députée énergique, responsable et bosseuse » .

« Je suis une femme LGBT, j’ai conscience de l’importance de la représentation. »
— Marie-Charlotte Garin

En plus du travail parlementaire, Marie-Charlotte Garin a conscience de la puissance des symboles en politique. Le 28 juin 2022, elle porte la robe de Cécile Duflot qui avait valu à cette dernière, dix ans plus tôt, des remarques sexistes de certains députés, pour dénoncer le sexisme en politique. Lors de sa première question au gouvernement, le 19 juillet 2022, elle interpelle frontalement la Première ministre, Elisabeth Borne, sur les propos homophobes de l’ancienne ministre Caroline Cayeux, et parle, en filigrane, d’elle-même : « nombreux sont ces enfants qui grandissent avec ce stigmate, celui de la différence, celui de la norme qui étouffe, celui du secret, celui du silence, celui du placard, celui de la discrimination ». « Je suis une femme LGBT, j’ai conscience de l’importance de la représentation. Par exemple, grâce à l’engagement de la sénatrice Mélanie Vogel, je me suis dit que je pouvais aussi y aller », confie-t-elle. « Mais tout comme la jeunesse, on en revient à la question d’à quel point on est limités à nos périmètres identitaires de façon systématique. Je n'ai pas envie de travailler que sur ces sujets-là. Quelle est la place de notre identité dans ce que l’on porte ? Je n’ai pas de plan défini, je suis sollicitée pour des soutiens sur cette cause car on sait que je suis concernée. J’ai aussi plein d’autres combats. C’est une partie de mon identité, mais ce n’est pas toute mon identité ».

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