Rishi Sunak : 100 jours, et après ?

Rishi Sunak : 100 jours, et après ?

100 jours : c’est le cap franchi le 2 février par le nouveau Premier ministre britannique, Rishi Sunak, depuis qu’il a pris ses fonctions au 10, Downing Street, le 25 octobre dernier. Analyse de sa politique par Olivier Marty, économiste et président du Cercle franco-britannique de Sciences Po Alumni.

Portrait officiel de Rishi Sunak, septembre 2021 (Crédits : Gouvernement du Royaume-Uni)

100 jours, c’est deux fois plus de temps que la durée totale du mandat de sa devancière, Liz Truss, qui avait tenté une expérience pour le moins hasardeuse de politique économique. La durée de vie de dix laitues, moquent ses opposants, en référence à la cruelle unité de mesure qui avait été choisie pour estimer l’espérance de vie politique de l’ancienne « leader ». Un compteur encore bien modeste au regard de la moyenne historique. Un état de grâce politique ? Au Royaume Uni, encore moins qu’en France, on n’y croit vraiment plus.

Rishi Sunak a restauré une forme de stabilité

L’heure, à Londres, n’est certainement pas aux réjouissances. La société britannique est secouée par des grèves sévères provoqués par une inflation élevée, la déficience des services publics et l’usure du parti conservateur, devancé désormais de 20 points par les travaillistes dans les sondages. D’aucuns convoquent les souvenirs de l’ère Thatcher. Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment prévu que la Grande-Bretagne serait la seule puissance du G7 en récession en 2023. Le troisième anniversaire de la sortie de l’Union européenne, qui a déployé son lot de conséquences négatives, n’a pas été célébré. On exhume avec effroi l’expression « d’homme malade de l’Europe », employée dans les années 1970.

Dans ce morne contexte, le principal mérite de Rishi Sunak depuis son entrée en fonction a été de restaurer une forme de stabilité. Financière d’abord, avec la présentation en novembre d’orientations budgétaires plus orthodoxes, caractérisées par des coupes dans les dépenses publiques et certaines hausses d’impôts, qui ont rassuré les marchés. Ces mesures sont néanmoins repoussées dans le temps. Politique ensuite, avec le retour d’un gouvernement plus compétent, une attention plus grande portée à l’éthique, et le déploiement de cinq priorités concrètes, parmi lesquelles la baisse de l’inflation, la lutte contre l’immigration illégale ou la diminution des files d’attentes dans le système de santé.

Les défis auquel le gouvernement est confronté restent nombreux

Les défis économiques restent toutefois nombreux. Si la modération de la hausse des prix est un objectif atteignable, la reprise de la croissance sera ardue. La politique macroéconomique, durablement contrainte, n’y aidera pas à court terme. Et les pistes élaborées par le Chancelier Hunt pour ranimer l’investissement, la productivité et les compétences, trois problèmes chroniques du Royaume Uni, sont soit encore floues soit insuffisantes. L’activité souffre aussi d’une baisse de la population active induite par la sortie du marché du travail de centaines de milliers de personnes qu’une politique migratoire moins accueillante ne compense que partiellement. Des réformes structurelles sont attendues.

Au plan social, le gouvernement a du mal à calmer la grogne des grévistes et la fatigue de l’opinion. Selon le gouvernement, la hausse des salaires des fonctionnaires est contrainte par l’inflation et les restrictions budgétaires. Elle pourrait pourtant être envisagée dans le cadre d’un pacte global pour la réforme des services publics et la hausse de leur productivité, en commençant par le système de santé. Par ailleurs, la question d’une plus grande progressivité fiscale reste posée dans un contexte de vieillissement démographique et de précarité élevée. Enfin, la réduction des inégalités territoriales et un contrôle effectif du flux des demandeurs d’asile devraient faire l’objet d’efforts plus résolus.

Les relations avec l’Union européenne continuent d’être un problème épineux. Certes, la reprise récente des discussions avec Bruxelles pour améliorer l’application du protocole nord-irlandais constitue une lueur d’espoir. Mais rien ne garantit que le parti conservateur approuve un éventuel accord, si celui-ci advient, sans parler d’une nécessaire amélioration générale des relations avec le continent. Le fait que le gouvernement soit toujours en train de prévoir l’annulation des lois héritées de son statut de membre de l’UE, à rebours d’une opinion publique regrettant désormais majoritairement d’avoir quitté l’organisation, n’aide en rien. Le parti travailliste est susceptible d’en récolter les fruits.

En somme, Rishi Sunak est parvenu à rétablir un semblant de normalité dans la politique britannique. Il symbolise un pouvoir compétent, intègre et pragmatique, tente de ressouder son parti et de renouer avec une opinion méfiante. Il s’est fixé des objectifs sur lesquels il pense pouvoir démontrer sa plus-value. Toutefois, la conjoncture, le climat social, et les tensions politiques contraignent sévèrement son action ainsi que les espoirs des Conservateurs de rebattre réellement les cartes en vue des élections générales prévues d’ici 2025. Pendant ce temps, le Royaume-Uni continuera de digérer les crises multiples qui le traversent et dont le Brexit a été davantage le catalyseur que la cause.

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