Les livres politiques de février 2024 - Focus agriculture

Les livres politiques de février 2024 - Focus agriculture

Tous les mois, Émile vous propose de découvrir une série de livres abordant des questions politiques sous différents angles. Au programme du mois de février, un focus sur le monde agricole — du récit personnel à l’analyse de chercheurs — mais aussi un ouvrage pour mieux comprendre les enjeux du conflit israélo-palestinien ou encore des propositions ambitieuses pour révolutionner nos politiques publiques. À lire !

Par Zoë Foures avec la contribution de Caroline Blackburn et Maïna Marjany

Les sillons que l’on trace

Récit du parcours personnel d’Anne-Cécile Suzanne, alumna et agricultrice, ce livre entre en résonance de manière puissante avec l’actualité du moment. Ce témoignage nous permet de comprendre – d’une façon incarnée et non sous la forme d’un essai théorique – le monde agricole, ses difficultés, ses combats et ses défis.

Lorsqu’elle intègre Sciences Po, elle ne s’imagine pas devenir agricultrice. Mais à la suite du cancer de son père, elle reprend, seule, l’exploitation familiale, du haut de ses 20 ans et sans expérience préalable dans le domaine. Son livre raconte son combat dans de multiples sphères : femme dans une industrie majoritairement masculine, interventions dans les médias, engagement en politique ou encore dans le monde économique, lutte pour que son milieu agricole soit mieux compris, plus soutenu. Elle décrit aussi la réalité de son quotidien d’agricultrice, de la dépendance à la météo à la fierté que le travail apporte, en passant par les solidarités qui s’y forment et le poids des dettes financières. Un témoignage personnel qui interroge les aspirations profondes de chacun.

L’AUTEURE

Fille d’agriculteur, Anne-Cécile Suzanne a repris l’exploitation familiale à 20 ans. Elle a continué, en parallèle, ses études à Sciences Po et en sort diplômée en 2016, tout en maintenant la ferme à flots. Toujours agricultrice depuis, elle est également consultante pour les acteurs de l’alimentaire.

Anne-Cécile Suzanne, Les sillons que l’on trace, Éditions Fayard, 350 pages, 20 €


La Révolution obligée - Réussir la transformation écologique sans dépendre des États-unis et de la Chine

Le nouvel ouvrage de David Djaïz, co-écrit avec le géographe Xavier Desjardins, vise à aborder la transition écologique tout en évitant de susciter la colère des agriculteurs et de la population.

À travers ce livre, il souligne l’importance de la négociation et de la concertation dans la mise en œuvre de mesures écologiques pour éviter les mouvements sociaux, comme les manifestations récentes du monde agricole en France. Il explique que les agriculteurs sont confrontés à de plus en plus de défis économiques et réglementaires, soulignant la nécessité de ne pas les surcharger de normes sans prendre en considération leurs difficultés financières.

Malgré les avancées technologiques ou sociétales, la consommation d’énergie fossile n’a cessé d’augmenter en 2023. Face à ce constat, d’après l’auteur, il est impératif d’anticiper nos besoins afin de réussir la transition écologique sans être tributaire des États-Unis et de la Chine.

Dans son ouvrage, David Djaïz part à la recherche de moyens efficaces pour transformer, en France et en Europe, nos modes de production, de consommation, de logement, de transport et d’alimentation, sans faire monter les colères de la population et en préservant notre puissance industrielle et politique. Il nous propose un guide pratique pour parvenir à accomplir cette transition écologique dans les trente prochaines années.  

L’AUTEUR

David Djaïz (promo 14) est haut fonctionnaire, essayiste et enseignant à Sciences Po depuis 2017. Il est également co-président de l’agence de conseil Bona Fidé qui accompagne organisations et dirigeants dans leurs transformations, notamment environnementales.

David Djaïz et Xavier Desjardins, La Révolution obligée : Réussir la transformation écologique sans dépendre des États-unis et de la Chine, Allary Editions, 304 pages, 21,90 €


Une agriculture sans agriculteurs

Dans cette réédition (mars 2023) d’Une agriculture sans agriculteurs, François Purseigle et Bertrand Hervieu brossent un portrait d’une France agricole dont le modèle traditionnellement familial vit, selon eux, ses dernières heures. Cela ne signifie cependant pas la fin de l’agriculture en France, mais plutôt la fin d’un système caractérisé par une fusion entre la vie professionnelle et familiale.

Les sociologues suggèrent qu’afin d’assurer sa survie, l’agriculture française doit adopter de nouveaux modèles économiques et d’activité, nécessitant une transition importante soutenue par l’ensemble des acteurs agricoles – y compris les coopératives.

Les auteurs soulignent également l’importance pour les politiques publiques de reconnaître cette évolution et de s’y adapter. D’après eux, la plupart des partis politiques français continuent de promouvoir l’exploitation familiale traditionnelle sans tenir compte des nouvelles formes d’agriculture émergentes.

Ce livre met en lumière les défis auxquels est confrontée l’agriculture française et appelle à une réflexion approfondie sur son avenir, notamment dans le cadre des discussions sur la prochaine loi d’orientation agricole. 

LES AUTEURS

François Purseigle (promo 11) est professeur des universités en sociologie à l’Institut National Polytechnique de Toulouse et dirige le département de Sciences économiques, sociales et de gestion de l’Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse (INP-ENSAT). Il est également chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po. Ses activités de recherche se concentrent principalement sur l’engagement et le comportement syndical et politique des agriculteurs français.

Bertrand Hervieu (promo 71) est sociologue, ancien directeur de recherche au CNRS et ancien président de l’INRAE. Il est également inspecteur général de l’agriculture honoraire.

François Purseigle et Bertrand Hervieu, Une agriculture sans agriculteurs, Presses de Sciences Po, 224 pages, 16 €


Comment la Palestine fut perdue – Et pourquoi Israël n’a pas gagné

Tandis que l’offensive israélienne sur Gaza entre dans son quatrième mois, Jean-Pierre Filiu, expert du Moyen-Orient et auteur de référence sur la Palestine, nous permet de prendre du recul sur la situation en nous livrant une analyse au long cours du conflit israélo-palestinien.

Il analyse thématiquement la défaite historique du mouvement national palestinien, en revisitant les récits israéliens et palestiniens mais aussi en revenant sur l’histoire de la région. Dans cet ouvrage, il met en lumière ce qu’il nomme les trois forces israéliennes et les trois faiblesses palestiniennes.

Cette compréhension est essentielle pour sortir de l'impasse intellectuelle qui a parfois conduit à penser que la marginalisation de la question palestinienne signifiait la victoire définitive d'Israël. La question demeure : une issue est-elle envisageable aujourd'hui ?

L’AUTEUR

Jean-Pierre Filiu (promo 81) occupe la fonction de professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po. Il voyage régulièrement en Israël et dans les territoires palestiniens depuis les années 1980. Chaque dimanche, depuis 2015, il publie une chronique très appréciée sur le site du Monde.

Jean-Pierre Filiu, Comment la Palestine fut perdue - Et pourquoi Israël n’a pas gagné, Seuil, 420 pages, 24 €

Jean-Pierre Filiu présentera son livre, le 19 février prochain, lors d’une visio-conférence organisée par Sciences Po Alumni. Vous pouvez vous inscrire ici.


L’Autre et nous – Racisme et antisémitisme

Dans cet essai, François Rachline interroge les obsessions identitaires qui segmentent nos sociétés à travers de nouvelles formes contemporaines. Wokisme, suprémacisme, décolonialisme, intersectionnalité, ces lignes de fractures viennent, selon lui, remettre en cause l’universalisme qui prône l’unité du genre humain.

Son analyse questionne la nature commune ou distincte de ces aversions, ou encore le caractère unique de l’antisémitisme par rapport aux autres formes de racisme, et appelle à reconstruire le rapport à l’Autre.

L’AUTEUR

Économiste de formation, François Rachline (promo 72) a été maître de conférences puis professeur à Sciences Po. Il est également Vice-Président de la Ligue internationale contre la racisme et l'antisémitisme (LICRA) depuis 2020. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages.

François Rachline, L'autre et nous : Racisme et antisémitisme, Editions Hermann, 84 pages, 15 €

Une rencontre avec François Rachline, autour de cet ouvrage, est organisée le 22 février prochain par Sciences Po Alumni. Vous pouvez vous inscrire ici.


L’ère du temps libéré - Propositions pour une révolution écologique et culturelle

Les deux jeunes Alumni Charles Adrianssens et Paul Montjotin formulent dans cet essai une proposition audacieuse : celle d’une politique publique du temps.

Ils décrivent un quotidien qui s’accélère sans cesse, tant dans les sphères professionnelles, personnelles ou familiales. Dans cette dynamique, il existe un fort désir de retrouver la maîtrise de notre temps, notamment pour un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle. Lors du confinement ou encore pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, ce sujet a ressurgi dans le débat public. Le temps a alors endossé une dimension émancipatrice, pouvant être réappropriée sans passer par la sphère marchande ni par les écrans.

Dans cette dynamique, il existe un fort désir de retrouver la maîtrise de notre temps, notamment pour un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle.

Pour ce faire, les auteurs livrent des propositions concrètes et opérationnelles destinées à libérer le temps, y compris celui du loisir, trop souvent délaissé ou réduit à une simple consommation. Ils évoquent entre autres la semaine de quatre jours, l’engagement associatif, le temps consacré à nos proches, ainsi que la réorientation de notre économie. C’est un projet de société plus égalitaire et écologique qui est présenté, où le temps est vu ici comme objet politique à part entière.

LES AUTEURS

Charles Adrianssens (promo 13) et Paul Montjotin (promo 16) sont tous deux contributeurs à l’Institut Rousseau, un laboratoire d’idées écologique et républicain. Paul Montjotin est le délégué général de l'Académie des métiers de la transition écologique (ACTE) et a été maître de conférences en questions sociales à l'École d'Affaires publiques de Sciences Po. Charles Adrianssens est Chef de cabinet de la ville de La Courneuve. L’ère du temps libéré est leur premier essai.

Paul Montjotin et Charles Adrianssens, L’ère du temps libéré, Éditions Faubourg, 128 pages, 13 €


Le vivant est-il gouvernable ? Le politique à l'épreuve d'un monde saturé de traces

Le livre explore l'impact de l'intervention humaine sur le monde vivant et les fortes réactions qu'elle engendre.

En examinant des éléments invisibles tels que les vaccins, les virus, les pesticides, les ondes électromagnétiques et les données numériques, l'auteur montre comment ils deviennent des objets passionnels polarisant l'opinion. Ces éléments, au-delà de l'expertise scientifique, influencent la perception collective du sacré et du profane, façonnant ainsi la société.

Le livre reflète comment ces traces expriment la quête de l'humanité pour sa place dans le monde et interroge la capacité des responsables politiques à relever les défis posés par ces questions complexes.

L’AUTEURE 

Virginie Tournay est directrice de recherche au CNRS, basée au CEVIPOF à Sciences Po. Ayant reçu une formation initiale en biologie, elle se passionne ensuite pour les relations complexes entre la science et la prise de décision publique. Par ailleurs, elle rédige une chronique régulière intitulée « Science et confiance » pour le journal Pour la Science.

Virginie Tournay, Le vivant est-il gouvernable ? Le politique à l'épreuve d'un monde saturé de traces, Édition L’aube, 243 pages, 23€


La Civilisation de la peur - Pourquoi et comment garder confiance en l’avenir

L’essayiste Nicolas Bouzou propose, dans son dernier ouvrage, une analyse d’« un marché de la peur » qu’il juge omniprésent, dépeignant un tableau sombre de l’avenir. Cette culture du catastrophisme dans les médias et réseaux sociaux, prônée également par certains intellectuels, trouble les avancées sociétales, estime Nicolas Bouzou, et nous fait oublier ce dont nous sommes capables.

L’auteur s’intéresse ici aux manières de résister afin de garder confiance en l’avenir. Pour ce faire, il cite plusieurs exemples : les progrès exceptionnels en santé, ceux plus rapides qu’anticipé en environnement, une IA grandissante qui nous aidera plutôt que de nous nuire, ou encore « les valeurs des Lumières de démocraties et de libertés » qui se trouvent en Ukraine ou en Iran. Il dessine également des propositions, comme la mise en place d’une éducation de l’utilisation des médias.

 L’AUTEUR

Essayiste libéral assumé, Nicolas Bouzou (promo 99) est l’auteur de nombreux livres sur le monde contemporain. Co-fondateur du think tank européen Cercle de Belém et directeur de la societé Asterès, qui réalise des études économiques, il est également éditorialiste à L’Express et contributeur régulier de plusieurs autres journaux comme Le Figaro, Les Échos ou encore le Financial Times.

Nicolas Bouzou, La civilisation de la peur, XO Editions, 224 pages, 19,90 €


Réchauffement des Esprits - La responsabilité sociétale des industries culturelles

Dans cet essai, Pascale Thumerelle fait un parallèle entre réchauffement climatique et réchauffement des esprits afin de « susciter une prise de conscience et proposer des moyens d’action. » Elle y décrit une diversité culturelle qui serait sous l’emprise du numérique et appelle à une plus grande mobilisation de la part des industries culturelles, institutions et société civile.

L’auteure met en garde contre la concentration de la production culturelle entre quelques acteurs, susceptibles de formater nos pensées, de freiner la créativité et de compromettre notre esprit critique. Elle souligne les risques de stéréotypes, de discours haineux et de désinformation, les comparant à des polluants préjudiciables à notre bien-être individuel et à la cohésion sociale.

Afin de préserver nos valeurs démocratiques, Pascale Thumerelle présente des pistes d’actions concrètes afin de lutter collectivement contre le « réchauffement des esprits », comme revoir l’influence des industries culturelles avec une société civile consciente jouant un rôle de vigie. L'enjeu étant de protéger la liberté d'expression, la diversité culturelle et les droits des enfants.

L’AUTEURE

Pascale Thumerelle (promo 83) est pionnière de la responsabilité sociétale des industries culturelles et donne un cours à Sciences Po sur cette thématique. Nommée en 2015 dans la « Global Diversity List » de The Economist, elle fonde ensuite Respethica, un cabinet de conseil en création de valeur durable qui accompagne des entreprises dans leur démarche de responsabilité sociale.

Pascale Thumerelle, Réchauffement des esprits, Actes Sud, 208 pages, 21 €



Cap’bornes : Accompagner la révolution électrique

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Avec CIVICA, Sciences Po est au cœur des « universités européennes »

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