Comment Sciences Po s'est organisé face à l'épidémie de Covid-19

Comment Sciences Po s'est organisé face à l'épidémie de Covid-19

À l’annonce de la fermeture des établissements scolaires et des universités, les équipes de Sciences Po se sont mobilisées pour permettre d’assurer la continuité pédagogique. En quelques jours, l’organisation de l’école a été complètement transformée pour que les cours puissent être assurés à distance dans les meilleures conditions possibles. Bénédicte Durand, Directrice de la Formation de Sciences Po, raconte à Émile cet incroyable challenge et détaille le dispositif prévu pour la rentrée 2020-2021.

Article publié le 24 juillet 2020

Bénédicte Durand, Directrice de la Formation (crédits : Sciences Po)

Bénédicte Durand, Directrice de la Formation (crédits : Sciences Po)

Quel a été le dispositif adopté par Sciences Po à partir de la fermeture des établissements scolaires le 16 mars ?

Nos priorités ont été la qualité de la continuité pédagogique et la sécurité de nos 14 000 étudiants et de nos 4 000 enseignants. Pour cela, nous avons bâti un dispositif inédit destiné à assurer la continuité de l’ensemble de nos enseignements pour l’ensemble de nos étudiants. 

Dès le début de la crise, l’intervention de l’Institut des Compétences et de l’Innovation a été déterminant pour équiper et former étudiants et enseignants à l’enseignement en ligne. Nous avons bénéficié de la confiance de toute la communauté pédagogique de Sciences Po. Les étudiants comme leurs professeurs ont été au rendez-vous.

En parallèle, un travail formidable a été mené par la Direction des affaires internationales. Dès l’apparition de la crise sanitaire, elle a accompagné et pris en charge nos étudiants internationaux et nos étudiants français en échange en apportant des solutions adaptées à la situation particulière de chacun. 

La Direction de l’accueil et de l’accompagnement est intervenue en permanence et au cas par cas pour gérer les difficultés engendrées par cette crise (aide sociale, accompagnement administratif, aide au logement, questions relatives à la santé physique et mentale). 

De combien de temps avez-vous disposé pour adapter toute l’organisation de l’établissement ?

À l’annonce de la fermeture des établissements universitaires, le 14 mars, nous avons choisi de suspendre nos activités pour nous préparer correctement. Dès le 23 mars, soit une semaine après, professeurs et élèves étaient au travail, à distance, pour poursuivre leur cursus. 

« Les équipes pédagogiques, techniques et administratives ont redoublé d’efforts pour trouver en une dizaine de jours des réponses à cette situation inédite et faire évoluer la vie de l’établissement. »

Les équipes pédagogiques, techniques et administratives ont redoublé d’efforts pour trouver en une dizaine de jours des réponses à cette situation inédite et faire évoluer la vie de l’établissement. Le dispositif inédit qui en a résulté a permis aux étudiants de terminer le semestre et de le valider dans un cadre d’évaluation adapté. Notre cadre de scolarité, sans rien perdre de son exigence, a su parfaitement s’ajuster aux conditions réelles de travail de notre communauté pédagogique. 

Quel bilan dressez-vous de cette expérience ?

Cette crise a mis en lumière l’adaptabilité remarquable de notre établissement. Près de 70 000 cours et réunions se sont déroulés en ligne pour plus de 556 000 heures d’échanges. Plus de 7000 copies ont été rendues dans l’espace numérique, qui a remplacé la table d’examen.

Une étude menée par Institut des Compétences et de l’Innovation précise  que 91% des enseignants ont été satisfaits du dispositif mis en place, notamment concernant l’attention, l’assiduité - qui n’a jamais été aussi élevée - et des interactions avec les étudiants. 

Côté étudiants, les trois-quarts d’entre eux se disent satisfaits, voire très satisfaits de l’expérience. Quant à l’outil Zoom, près de 80 % l’ont utilisé pour travailler en groupe, 6 sur 10 s’en sont servi pour échanger avec d’autres étudiants, et 4 sur 10 avec la famille et leurs amis. Tout n’a pas été idéal bien sûr et nous avons mesuré à travers cette expérience l’importance du contact pédagogique présentiel, mais, collectivement, nous avons tiré de cette expérience de formidables leçons pour l’avenir.

La menace de l’épidémie de Covid-19 n’aura pas totalement disparu à la rentrée prochaine. Vous envisagez de mettre en place un « double-campus », physique et numérique. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

Nous avons imaginé un dispositif équilibré qui permet à tous nos étudiants, à compter du 14 septembre 2020, de fréquenter à la fois nos campus physiques et notre nouveau campus numérique pour des cours au format largement réinventé.

Trois principes animent notre double campus : égalité d’accès aux contenus pour tous les étudiants, hybridité des formes pédagogiques, et adaptabilité du dispositif aux conditions sanitaires. Ils nous permettent de tenir un engagement fort : quel que soit l’endroit où ils se trouvent, 100% des étudiants accéderont à la formation à laquelle ils sont inscrits et bénéficieront de l’expérience des campus.

« À la rentrée, quel que soit l’endroit où ils se trouvent, 100% des étudiants accéderont à la formation à laquelle ils sont inscrits et bénéficieront de l’expérience des campus. »

L’intégralité  des 7 campus de Sciences Po seront ouverts à la rentrée de septembre et accueilleront celles et ceux qui pourront s’y rendre, y compris en cours de semestre, en toute sérénité et sécurité, afin d’y vivre 100% de l’expérience étudiante. Ils y suivront des cours connectés, intégreront des travaux collectifs et participeront  naturellement à des activités associatives et sociales. Ces campus physiques seront connectés afin de garantir la participation des étudiants qui ne pourront pas être présents dans les locaux. Une quarantaine de salles du campus parisien, et plus de 70 salles sur les campus en région, seront équipées pour permettre cet enseignement hybride.

Ainsi, 100% de l’offre de formation initiale de Sciences Po sera accessible en ligne, avec des cours “augmentés” par des activités et modules en présentiel. Cette offre forme un nouveau campus numérique, qui vient enrichir et démultiplier l'offre de formation initiale de Sciences Po, offrant une expérience académique la plus complète et la plus féconde possible, y compris pour celles et ceux qui seront éloignés géographiquement, quelle que soit la durée de cet éloignement. 

Les concours d’entrée post-bac ont été pour la plupart annulés et remplacés par un examen détaillé des dossiers. Sciences Po avait anticipé cette tendance en annonçant en 2019 une réforme de sa procédure d’admission axée davantage sur la valorisation des parcours individuels. Pensez-vous que cette crise donnera lieu à une généralisation de ce processus de sélection ?  Est-ce la fin de l’ère des concours d’entrée ?

En tant qu’établissement d’excellence, nous ne transigeons pas sur le haut niveau de sélectivité académique à l’entrée de Sciences Po. Mais nous nous devons aussi d’être ouverts et accueillir la diversité des talents, , à l’image des sociétés d’aujourd’hui. C’est à cette condition que nous remplirons pleinement notre mission : former celles et ceux qui, demain, prendront des responsabilités. Nos diplômés assumeront une vision du monde et serviront, là ou ils seront, les valeurs qui nous portent : le sens de l’intérêt général, la prise en charge des transformations planétaires, la défense des principes et des pratiques démocratiques. Pour le faire, ils doivent incarner pleinement la diversité sociale et internationale de leurs contemporains.

C’est le sens de la réforme des admissions que nous avons annoncée il y a tout juste un an : le nouveau processus de sélection conserve la très haute exigence académique qui a fait la réputation de Sciences Po depuis près de 150 ans ; elle permet également à un grand nombre de candidats aux profils très diversifiés, de postuler via l’outil principal d'orientation Parcoursup, mais également d’exprimer et de révéler tous leurs talents. 

« Sciences Po reste le seul établissement supérieur sélectif français à affirmer que sélectivité académique et ouverture sociale, loin de s’opposer, se renforcent. »

Le traditionnel examen se déroulant autour d’écrits d’admissibilité et d’oraux d’admission va laisser la place en 2021 à une sélection sur la base de critères plus nombreux, plus lisibles, plus équilibrés et plus équitables pour tous. Le dossier d’admission comprendra des éléments qualitatifs et quantitatifs qui permettent d’apprécier de façon complète et objective le parcours du candidat. L’écrit n’a pas disparu, il est évalué autrement. En effet, chaque candidat sera amené à rédiger un écrit personnel qui permettra d’évaluer ses compétences rédactionnelles. Enfin, l’évaluation de l’échange avec le candidat lors de l’oral viendra s’ajouter aux autres notes et permettra de confirmer la qualité de la candidature eu égard aux attentes de Sciences Po et au potentiel du talent décelé à travers l’ensemble de la candidature.

Avec cette réforme, Sciences Po se mobilise pour permettre  qu’un élève talentueux se sente autorisé à candidater à Sciences Po, quelle que soit son origine sociale, géographique ou son parcours personnel. Il reste ainsi le seul établissement supérieur sélectif français à affirmer - et prouver dans les faits depuis 20 ans - que sélectivité académique et ouverture sociale, loin de s’opposer, se renforcent. 

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