Youssef Halaoua : "Je suis fier que Sciences Po se saisisse du sujet du sport"

Youssef Halaoua : "Je suis fier que Sciences Po se saisisse du sujet du sport"

Dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, Sciences Po vient de lancer, en collaboration avec l’Agence nationale du sport, un grand cycle de conférences pour interroger la place de ce dernier dans notre société. En lien avec les équipes de l’école, Youssef Halaoua (promo 12), ancien membre du comité de candidature de Paris 2024, actuellement en poste à la direction générale de l’Agence nationale du sport, en a été l’une des chevilles ouvrières. Entretien. 

Propos recueillis par Maïna Marjany

Youssef Halaoua, conseiller relations institutionnelles à la direction générale de l’Agence nationale du sport (Crédits : Serena Porcher-Carli)

De vos études à Sciences Po à vos fonctions actuelles à l’Agence nationale du sport, pouvez-vous revenir en quelques mots sur votre parcours, où le sport a une place prépondérante ?

L’histoire entre Sciences Po, le sport et moi a commencé sur le campus de Menton, qui venait tout juste d’être créé quand j’y suis entré, en 2006. J’ai été l’un des membres de l’Association sportive (AS) à sa création et j’ai rejoint les équipes de basket et de foot du campus. Puis, sur le campus parisien, j’étais membre de l’équipe de tennis.

En sortant de Sciences Po, ma première expérience professionnelle s’est faite au sein du comité de candidature de Paris 2024. J’avais envie de débuter ma carrière par une expérience mémorable et je n’ai pas été déçu. Une opportunité unique s’est présentée en 2015. À cette époque, on entendait encore peu parler d’une candidature de Paris aux Jeux, mais toute une équipe commençait déjà à y croire. En participant à cette aventure, j’ai pu assister aux Jeux de Rio, en 2016, et à la finale de l’Euro 2016 au Stade de France, et j’ai eu l’opportunité de travailler aux côtés de grands champions comme Tony Estanguet et Jean-Philippe Gatien. Une chance pour un fan de sport comme moi ! 

Vous avez ensuite travaillé pendant trois ans à Sciences Po, au sein du cabinet de Frédéric Mion, puis de Bénédicte Durand, avant d’être nommé conseiller en charge des relations institutionnelles à la direction générale de l’Agence nationale du sport. Pouvez-vous nous présenter les missions de cette organisation ? 

L’Agence nationale du sport a deux grandes missions qui se nourrissent mutuellement. La première est la performance des équipes de France lors des compétitions internationales de référence, ce que l’on appelle la haute performance. Il faut définir une stratégie nationale, puis déployer les outils et leviers nécessaires pour aider nos athlètes à gagner, ou du moins à être les meilleurs possible. La création de l’Agence en 2019 n’est pas étrangère au fait que la France accueillera les Jeux en 2024, car il faut que nous soyons au rendez-vous. Figurer parmi les cinq premières nations au classement des médailles a par ailleurs été l’objectif fixé en septembre par le président de la République Emmanuel Macron. 

La seconde mission concerne le sport de tous les jours : faire en sorte que la pratique d’activités physiques soit davantage ancrée dans notre quotidien et que la place du sport progresse en France. C’est un cercle vertueux, car avant de devenir un grand champion, on débute la pratique du sport en amateur, dans un club. Nous nous appuyons sur trois leviers d’actions principaux pour développer la pratique du sport en France. D’abord, les équipements sportifs, dont l’Agence peut accompagner et cofinancer la construction ou la réhabilitation. Ensuite, l’emploi sportif : on contribue à cofinancer les emplois dans des clubs, des associations, etc., pour participer à la professionnalisation du mouvement sportif. Enfin, l’accompagnement des clubs et des acteurs associatifs dans le champ de l’éducation et de la pratique sportive (autour de sujets comme l’inclusion ou l’égalité des sexes) pour faire en sorte que l’on construise une société meilleure, un monde meilleur grâce au sport. 

« À l’usage, j’observe que l’Agence a fait sienne une belle valeur du sport, qui est la force du collectif : faire mieux ensemble. »

L’ANS permet-elle finalement d’articuler le sport et la politique ? 

À l’usage, j’observe que l’Agence a fait sienne une belle valeur du sport, qui est la force du collectif : faire mieux ensemble. Juridiquement, l’Agence est un Groupement d’intérêt public (GIP). Elle est un opérateur du ministère des Sports et la modalité pour parvenir à la réalisation des deux missions présentées précédemment, c’est de réunir les principaux acteurs de l’écosystème sportif en France. Quatre univers sont réunis au sein de ce GIP : l’État dans ses différentes composantes, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et les acteurs économiques et sociaux. Ils prennent ensemble les décisions qui engagent l’Agence dans ses deux missions, la haute performance et le développement des pratiques sportives. Et notre première mission illustre le fait que le sport contribue lui aussi au rayonnement international de la France puisque, comme l’a déclaré le président de la République le 13 septembre dernier en recevant les médaillés des Jeux de Tokyo à l’Élysée, « une France qui gagne, c’est une France qui rayonne ».

« Sciences Po s’est saisie de ces questions, notamment en étant l’une des premières écoles à proposer une formation universitaire dédiée aux sportifs de haut niveau »

Vous accompagnez Sciences Po dans l’organisation d’un ambitieux cycle de conférences sur le thème « Sport et société », qui s’étend sur plusieurs années. Comment s’est mis en place ce projet ?

Nous avons échangé avec la direction de la stratégie et du développement de Sciences Po et le sujet est venu très naturellement, principalement pour deux raisons. Tout d’abord, parce que Sciences Po a pour mission de permettre à ses étudiants de mieux comprendre le monde qui les entoure. Ensuite, parce que la France accueillera dans moins de trois ans les Jeux, l’un des événements les plus médiatisés au monde. Il nous semblait essentiel que Sciences Po se saisisse de cet objet d’étude pour que ses élèves puissent mieux appréhender ce projet qui se déploiera à quelques kilomètres de la rue Saint-Guillaume. 

Première conférence avec Tony Estanguet, président de Paris 2024 (Crédits : Thomas Arrivé/Sciences Po)

Sciences Po et le sport, ce sont deux univers que l’on n’associe pas spontanément. Est-ce un tort, selon vous ?

Je pense que Sciences Po s’est saisie de ces questions, notamment en étant l’une des premières écoles à proposer une formation universitaire dédiée aux sportifs de haut niveau. Mais cette idée que le sport et Sciences Po ne vont pas forcément ensemble pose en réalité une question sous-jacente qui est celle de la culture sportive des élites politiques, économiques et administratives de notre pays. Quand on la compare par exemple aux États-Unis, c’est assez frappant. Je me souviens d’un voyage à Boston pour assister à des matchs de NBA. On voit les étudiants et professeurs affluer de Harvard et du MIT (institutions parmi les plus nobles et élitistes du pays), enfiler leur casquette, se diriger vers le stade et suivre le match avec passion. Au-delà de Sciences Po, il me semble qu’il manque en France une certaine culture sportive – en particulier au sein des élites – qui gagnerait pourtant à être valorisée et encouragée au même titre que la curiosité intellectuelle et la culture artistique. 

En tant qu’alumni, je suis donc très fier que Sciences Po se saisisse de ce sujet et le mette à l’honneur pendant trois ans. Dans son histoire, il y a de nombreux exemples qui montrent que Sciences Po a su être pionnier sur de nombreux sujets, espérons que le sport en soit un exemple supplémentaire. 

Quelles seront les grandes thématiques de ce cycle de conférences ? 

Nous souhaitons organiser des débats pour aider à comprendre les innombrables dimensions qui sous-tendent un événement tel que les Jeux olympiques et paralympiques. Comment un pays, une ville et sa région s’y préparent (équipements sportifs, aménagements urbains, transport, sécurité…) ? Comment la population s’engage ? Quelles traces cet événement laissera-t-il dans de nombreux champs de politiques publiques, de l’éducation aux relations internationales en passant par la transition écologique ? En bref, l’idée est de partir de l’événement en lui-même puis d’élargir à la trace et l’héritage qui demeureront. Pour réfléchir à ces sujets, Sciences Po fera appel à des acteurs de la maison (alumni du Certificat pour sportifs de haut niveau, étudiants, enseignants, chercheurs, etc.), mais aussi à de nombreux acteurs de l’écosystème des Jeux et du sport.  


Le cycle de conférences « Horizon 2024 : les jeux en débat » 

Par la place croissante qu’ils occupent au sein du débat public et leurs multiples enjeux politiques, économiques, sociaux ou environnementaux, les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 constituent pour Sciences Po un objet d’analyse et de dialogue. Dès la rentrée 2021-2022, l’institution s’engage sur le sujet, par le biais d’un cycle de conférences dédié aux Jeux et à leur héritage. « Horizon 2024 : les Jeux en débats » s’articulera autour de thématiques se situant au croisement des domaines d’expertise académique et scientifique de Sciences Po. 

Ce cycle d’événements est initié et porté par l’École urbaine et le Certificat pour sportifs de haut niveau (CSHN), formation emblématique de Sciences Po lancée en 2007 pour accompagner les sportifs de haut niveau dans la construction de leur avenir professionnel. 

Ouvert à l’ensemble de la communauté Sciences Po et à un large public, ce cycle d’événements entend devenir, à l’occasion de la préparation des Jeux de 2024, l’enceinte d’expression de l’institution sur le sport de haut niveau, l’activité physique et sportive au quotidien et, plus largement, le rôle du sport dans la société, vus à travers le prisme des sciences humaines et sociales. Le cycle est conçu sur trois ans, entre 2021 et 2024.


Cet entretien a initialement été publié dans le numéro 23 d’Émile, paru en novembre 2021.



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