Claire Pascal : "Les entreprises qui forment leurs salariés doivent bénéficier d’un crédit d’impôt !"

Claire Pascal : "Les entreprises qui forment leurs salariés doivent bénéficier d’un crédit d’impôt !"

La loi « avenir professionnel » a supprimé des fonds mutualisés de la formation continue le financement des plans de développement des compétences, pour les entreprises de plus de 50 salariés. La vice-présidente de la fédération regrette une mesure qui prive les salariés et les entreprises d’un budget de formation sanctuarisé. 

Claire Pascal, Vice-présidente des Acteurs de la Compétence (promo 91)

Depuis plus de 30 ans, la Fédération de la formation professionnelle œuvre en faveur de l’accès à la formation pour tous. Elle agit également pour permettre aux entreprises de former leurs salariés et de recruter une main-d’œuvre compétente. Première organisation représentative des acteurs de la filière économique de la formation professionnelle et du développement des compétences, la fédération porte dans le débat public des propositions et initiatives pour, toujours, améliorer et moderniser le secteur de la formation professionnelle, levier majeur de la compétitivité d’une entreprise, d’un secteur, d’un pays et de l’épanouissement professionnel de l’individu.

Alors que le monde du travail évolue très rapidement, que de profondes mutations sont en cours, il est aujourd’hui indispensable que le secteur de la formation professionnelle accompagne ces transformations. À l’heure où la compétence – le savoir, le savoir-être et le savoir-faire – s’affirme comme élément fondamental du travail, de l’emploi et de la compétitivité des territoires, la Fédération de la formation professionnelle est devenue, en 2021, Les Acteurs de la Compétence. Une nouvelle identité pour représenter une filière et des métiers à l’objectif commun : la compétence professionnelle.

À l’aube d’un nouveau quinquennat, quatre ans après la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, en vigueur depuis le 1er janvier 2019, Les Acteurs de la Compétence ont bien l’intention de peser dans cette campagne présidentielle. Qu’attendent-ils du prochain président ? Quelles sont leurs propositions ? Quels enjeux à l’ère de la digitalisation et de la transition écologique ?

Zoom l’avenir avec Claire Pascal, vice-présidente des Acteurs de la Compétence (promo 91).


C’était une promesse de campagne du candidat Macron : la loi « avenir professionnel » a été votée en 2018. Quel regard portez-vous sur elle ?

Cette loi a permis de renforcer l’accès individuel au développement des compétences et de développer l’apprentissage. Elle a toutefois amplifié les difficultés des entreprises pour former leurs salariés. Nous ne voulons pas mettre en place une nouvelle réglementation, mais il est important de tirer les enseignements de cette loi « avenir professionnel » et d’y apporter des correctifs indispensables. Il est primordial d’installer un climat de stabilité sur la formation professionnelle, qui nous manque énormément.

C’est-à-dire ?

Actuellement, l’écosystème de la formation professionnelle n’a pas de financement pérenne. France Compétences [institution nationale chargée du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage, NDLR] affiche un déficit important de près de quatre milliards d’euros. Et même si ce déficit sera comblé par un emprunt, la grande partie des subsides de France Compétences et du système de formation repose sur les cotisations des entreprises, assises sur la masse salariale. Structurellement, on sait que celle-ci baissera, dans les années à venir, sous l’effet de la diminution démographique et parce que le salariat n’est plus la seule manière de travailler dans l’écosystème des entreprises. Le socle de financement du système se rétrécit alors même qu’il est déjà déficitaire.

Est-ce là la problématique majeure du système aujourd’hui ?

La suppression des fonds mutualisés pour financer les plans de développement des compétences pour les entreprises de plus de 50 salariés, conjuguée à l’effet de la crise sanitaire, a fragilisé les investissements formation des entreprises pour leurs salariés. Cela correspond à une fin de la sanctuarisation des budgets formation. Il faut bien comprendre que les cotisations des entreprises ont été maintenues, mais elles sont désormais fléchées vers des dispositifs dédiés à l’apprentissage et à la formation des demandeurs d’emploi, notamment. Les entreprises paient autant qu’auparavant, mais avant la loi, avec cette même somme, elles pouvaient aussi former leurs salariés. Désormais, une fois que les entreprises ont versé leurs cotisations, elles n’ont toujours pas commencé à financer la formation de leurs salariés.

Concrètement, quelles sont les conséquences de cette mesure ?

Cela a entraîné une baisse des investissements des entreprises de 50 à 300 salariés dans la formation de ces derniers. Au-delà de 300, la mutualisation avait déjà été supprimée dès 2015. Puisque la formation des salariés est devenue un budget comme celui qui est dédié à la communication, par exemple, il est désormais possible de couper dedans en temps de crise, comme ce fut le cas avec le Covid. Alors que le budget formation était contracyclique, du fait de son organisation permettant d’amortir les crises et les aléas, il est devenu cyclique. Tous les acteurs, y compris les pouvoirs publics, se rendent compte des lacunes de cette loi pour soutenir et encourager la formation des salariés.

Que proposez-vous ? Modifier la loi ?

Il ne s’agit pas d’alourdir les charges des entreprises avec un retour de la mutualisation. Il faut les aider, leur donner des leviers pour former leurs salariés et s’adapter aux différentes transformations économiques en cours. Le premier élément de réponse a été donné avec le FNE-formation, qui a aidé à financer des formations correspondant à des mutations liées au Covid : hybridation du management, digitalisation, notamment. Cela a été un véritable coup de pouce aux entreprises en 2020 et 2021 et c’est reconduit en 2022. Nous approuvons cette mesure, mais ce dispositif fait partie du plan de relance, il n’est pas pérenne, c’est dommage. Notre fédération propose la mise en place d’un crédit d’impôt qui permettra aux PME de plus de 50 salariés d’alléger leurs charges lorsqu’elles investissent dans la formation de leurs salariés. L’objectif est d’habituer les entreprises à envisager la formation comme un investissement stratégique pour le développement de leur activité, comme un élément structurel de leur compte de résultat. 

Qu’attendez-vous du prochain président ou de la prochaine présidente ?

Nous allons interpeller les candidats à la présidentielle afin qu’ils prennent des engagements très précis sur l’enjeu du développement des compétences : la formation des jeunes par voie d’alternance, notamment, l’insertion des demandeurs d’emploi et la formation des salariés. Nous avons des propositions à leur soumettre sur ces trois sujets et notamment sur le crédit d’impôt que nous souhaitons pour les entreprises qui forment leurs salariés.
La crise du Covid a accéléré les mutations en cours et a mis à mal une loi déjà incomplète. Il faut
penser autrement le sujet de la compétence dans les années à venir.


Repères

7,4 milliards d’euros : Le gain engendré pour l’économie en améliorant d’un point l’accès à la formation professionnelle, selon une étude du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger pour la FFP (2017).

1,5 million : Le nombre de salariés qualifiés dont pourrait manquer la France d’ici 2030, selon une étude du cabinet de conseil Korn Ferry (2018).

175 milliards d’euros de pertes pour l’économie si les prévisions de l’étude Korn Ferry se réalisent.

32 % des Français âgés de 25 à 54 ans suivent une formation chaque année contre 41 % pour l’ensemble des pays de l’OCDE.

984 000 formations suivies en 2020, près du double de 2019, selon les chiffres de la Dares.

Les Acteurs de la Compétence en chiffres

1991 : Création de la Fédération de la formation professionnelle.

13 délégations régionales.

3 milliards d’euros de chiffres d’affaires cumulés.

250 adhérents supplémentaires en 2021.

2021 : La Fédération de la formation professionnelle devient Les Acteurs de la Compétence.



Ce publi-reportage a initialement été publié dans le numéro 24 d’Émile, paru en mars 2022.

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