Nicolas Schweitzer : "On ne peut pas continuer à gérer l’élevage comme on le fait aujourd’hui"

Nicolas Schweitzer : "On ne peut pas continuer à gérer l’élevage comme on le fait aujourd’hui"

À 34 ans, Nicolas Schweitzer (promo 13) est à la tête d’une des start-up les plus scrutées de l’Hexagone. Fondée en 2019, La Vie commercialise du lardon d’origine végétale qui reproduit le goût et la texture du gras animal. Distribuée par plusieurs grandes enseignes, l’entreprise a levé 25 millions d’euros début 2022. Entretien avec son fondateur.

Propos recueillis par Louis Chahuneau

Nicolas Schweitzer, co-fondateur de La Vie (Crédits : DR).

Vous êtes passé par le master d’affaires internationales de Sciences Po. Qu’est-ce qui vous a fait basculer dans l’entrepreneuriat ?

L’entrepreneuriat m’a toujours attiré. À ma sortie de Sciences Po, j’ai été approché par Skaleet, une start-up de mobile banking qui m’a mis le pied à l’étrier. Elle permet de faire des virements internationaux avec de simples Nokia 3310, ce qui est très pratique, notamment en Afrique. De fil en aiguille, j’ai fini par rencontrer mes deux associés [dont l’une a quitté la société depuis, NDLR] pour créer La Vie. Vincent Poulichet est scientifique. Il a fait un doctorat et deux postdocs sur les émulsions et il était convaincu qu’on pouvait faire du gras végétal qui aurait les mêmes caractéristiques que le gras animal. Aujourd’hui, nous sommes référencés chez Carrefour, Auchan, Leclerc, Monoprix et Cora, depuis peu.

Vous commercialisez du lardon et du bacon d’origine végétale à destination des grandes surfaces et des restaurateurs depuis octobre 2021. Quels sont les enjeux de La Vie pour cette année ?

Le recrutement reste notre priorité numéro un. Ensuite, il faut gérer toute la partie opérationnelle, car quand on fait 200 % de croissance de chiffre d’affaires par trimestre, il faut s’accrocher. On a lancé le bacon végétal chez les restaurateurs et on va lancer plusieurs autres innovations cette année pour les consommateurs. En réalité, on pourrait en sortir 40, mais on est très exigeants sur la partie culinaire et l’objectif, c’est que le produit ne soit pas décevant, même pour un grand amateur de viande. On va également se lancer en Angleterre, très prochainement.

Selon une étude de Kantar publiée en janvier dernier, 42 % des personnes interrogées rechignent à acheter des substituts végétaux qu’elles n’aiment pas ou « pensent » ne pas aimer. Comment convaincre ces personnes ?

On essaye le plus possible de faire goûter aux gens. Et puis, il y a le bouche-à-oreille : on a la chance d’être sur le créneau des produits très conviviaux, donc si les ventes augmentent à ce rythme, c’est aussi grâce aux gens qui les découvrent chez leurs amis. Nous visons le grand public et nous avons donc fait beaucoup d’efforts pour que nos prix restent abordables, car nous sommes convaincus que nous avons un rôle à jouer dans l’accessibilité.

Pensez-vous pouvoir remplacer la viande à long terme ?

Je ne sais pas, mais pour moi, c’est juste une question de temps avant que nos prix atteignent ceux du porc. C’est un défi industriel. Je ne peux pas croire qu’on continue à gérer l’élevage demain comme on le fait aujourd’hui. Personne n’est prêt à affronter la crise alimentaire qui se prépare. Le modèle d’élevage traditionnel va devenir très compliqué, car pour faire 1 kg de porc, il faut 9,3 kg de grains. Mécaniquement, si les prix du grain augmentent, ceux de la viande aussi. Un de nos restaurateurs nous a déjà dit que notre bacon végétal devenait moins cher que le bacon de porc. Si ça peut nous aider à prendre conscience de la dépendance qu’induisent les protéines animales, ce n’est peut-être pas plus mal.


Cet entretien a initialement été publié dans le numéro 25 d’Émile, paru en juin 2022.

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