Fanta Berete, macroniste de la première heure

Fanta Berete, macroniste de la première heure

Émile vous propose une série de portraits de députés diplômés de Sciences Po. Rencontre avec Fanta Berete (promo 13), députée Renaissance de la douzième circonscription de Paris. 

Par Ismaël El Bou-Cottereau

Fanta Berete (Crédits : Silvere Koulouris)

Ce samedi 23 juillet 2022, Fanta Berete a maudit la ligne 13 du métro parisien. La rame est bondée, un « problème technique » est annoncé. Les passagers, transpirants et défaits, doivent descendre à Pernety, se débrouiller pour finir leur périple dans un Paris caniculaire. Fanta Berete est attendue cinq stations plus loin, à l’Assemblée nationale, pour son premier jour en tant que députée. C’est la rentrée pour les anciens suppléants devenus députés à la faveur du remaniement gouvernemental. Elle commande une voiture, le chauffeur roule vite. Enfin, la voilà au Palais Bourbon – tant pis pour le retard. Accueillie par un huissier, elle entre dans l'Hémicycle et observe les joutes verbales en plein débat sur le pouvoir d’achat.

Sept mois plus tard, Fanta Berete a pris ses marques au palais Bourbon. Elle a ouvert une permanence parlementaire dans le XVe arrondissement, s’engage sur l’emploi des jeunes et l’aide aux familles monoparentales, avale des rapports sur la politique énergétique pour être prête lors de l’examen de la loi sur le nucléaire, et appelle systématiquement les personnes qui lui écrivent, qu’ils soient opposés à la réforme des retraites ou antivax. 

Quand on la rencontre au début du mois de mars, elle dit être « abîmée » par la violence du débat sur les retraites et l’attitude des insoumis. Mais elle reste affable, salue les huissiers, nous accueille dans son bureau entre midi et deux, prête à dérouler son parcours. 

Engagée à En Marche dès 2016

Peu connue du grand public, Fanta Berete n’est toutefois pas une novice. Dès 2016, elle rejoint le parti présidentiel, séduite par le dépassement des clivages. Elle devient vite référente d’En Marche dans le XVe arrondissement parisien, en parallèle de son travail dans les ressources humaines. La campagne l’enthousiasme, elle décide de déposer sa candidature pour l’investiture sur la 13ème circonscription de Paris. C’est finalement Hugues Renson, chiraquien de gauche, qui la décroche. Il est élu député en juin 2017 ; elle devient sa suppléante. Durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, Fanta Berete a continué de s’investir pour le parti à l’échelon parisien et au conseil d’arrondissement du XVe. Chez les militants, le dynamisme de celle qui, en interne, a pour sobriquet « l’influenceuse d’En Marche », est salué. « C’est quelqu’un qui fédère et qui est un pilier historique de notre mouvement à Paris, loue Maxime Bigot, ancien référent des “Jeunes avec Macron” dans les VIIe et XVe arrondissements de la capitale. Elle a un parcours riche, elle s’est engagée dans son quartier, elle a une connaissance des problématiques et du parcours des personnes. Ce qui me frappe, c’est son écoute ; c’est une élue qui se met à portée de chaque Français et chaque Française, elle est au contact et elle aime ça. »

« C’est quelqu’un qui fédère et qui est un pilier historique de notre mouvement à Paris. »
— Maxime Bigot

Après les fiascos des municipales et des régionales pour la majorité, la revoilà, en 2022, suppléante pour les législatives. Elle fait campagne avec Olivia Grégoire et devient députée lorsque cette dernière est reconduite au gouvernement.

En octobre dernier, elle s’attaque frontalement aux députés insoumis, « une bande de tiktokeurs qui cherchent le buzz », qu’elle accuse de méconnaître les parcours des députés Renaissance, immédiatement rattachés au bloc bourgeois. « Je viens du milieu ouvrier, dit-elle à Émile. Mes parents avaient compris l’importance de l’école ; ils avaient peur que je ne m’insère pas dans la société. C’est le cas de beaucoup de familles modestes qui ont cette envie de réussite. » Son père, ouvrier en mécanique, et sa mère, qui travaillait dans la couture, ont quitté la Guinée pour s’installer en France dans les années 1970. Dans la foulée de l’élection de Mitterrand de 1981, ils sont naturalisés. « Je savais depuis toute petite que l’idée était un jour de rentrer au pays, explique-t-elle. Mais on s’est ancrés ici. En France, je n’ai pas eu un parcours linéaire. Je suis passée par un CAP et un BEP pour finalement faire le bac général, puis un master, et Sciences Po dans le cadre de la formation continue. » 

Dépasser les frustrations politiques

Vivre dans un milieu défavorisé lui a aussi « appris à gérer les frustrations, à pouvoir encaisser un non ». Des frustrations, il y en a eu dernièrement. Politiques, notamment. Après la déconvenue de 2017, Fanta Berete aurait aimé, en 2022, être élue sur son nom. 

Hugues Renson, peu investi dans le parti et déçu par l’évolution politique de la majorité, n’a pas voulu se représenter sur la 13e circonscription. David Amiel, proche de la bande des « Mormons », composée d’ambitieux comme Ismaël Emelien et Stéphane Séjourné qui ont porté Emmanuel Macron jusqu’à l'Élysée, obtient l’investiture. Fanta Berete sera finalement suppléante d’Olivia Grégoire, membre du gouvernement, ce qui lui ouvrait une porte à l’Assemblée. « Il aurait été dommage pour la Macronie de se priver d’un talent comme celui de Fanta. Un accord a permis de déboucher sur une solution pour tout le monde », confie Maxime Bigot au téléphone. 

Cette campagne sur la 12e circonscription de Paris, c’était aussi la sienne. Sur le pont dès 6 heures du matin pour coller les affiches ; poignées de mains ; tractages au marché de Breteuil et au pied du métro Saint-François Xavier ; réunions publiques pour convaincre et faire le SAV du bilan gouvernemental dans cette circonscription ancrée à droite. Olivia Grégoire lui donne beaucoup de place dans cette bataille législative : les deux femmes apparaissent ensemble dans les vidéos de campagne, main dans la main dans la dernière ligne droite. Leur campagne est victorieuse, le score écrasant  – plus de 68 % –, à rebours des résultats décevants pour Renaissance au niveau national. Lors du remaniement du 4 juillet 2022, Olivia Grégoire quitte le porte-parolat du gouvernement pour un portefeuille ministériel à Bercy. Fanta Berete entre alors, comme prévu, au palais Bourbon. 

Membre de l’aile gauche de la Macronie

Avant de s’engager pour Emmanuel Macron, Fanta Berete avait toujours voté PS. Elle retrouvait à En Marche cette gauche modérée, rocardienne, social-libérale et pro-européenne. Aujourd’hui, avec la mutation politique du macronisme, qui a troqué son discours sur la lutte contre l’assignation à résidence identitaire pour des réformes que n’aurait pas reniées un Alain Juppé, elle apparaît un peu en marge du centre de gravité de la majorité. « C’est une macroniste de la première heure, elle a été séduite par le dépassement des clivages autour d’un axe central. Elle a une sensibilité sociale, elle est plutôt membre de l’aile gauche », explique Consuelo Arkwright Arcilla, étudiante en première année à Sciences Po et membre des Jeunes avec Macron.

« Je ne veux pas que le macronisme soit une parenthèse. La France a intérêt à garder cet axe central, mais il va falloir déployer des preuves d’amour et du sucré. Il y a une colère latente dans le pays, il faut y répondre. »
— Fanta Berete

Fanta Berete participe aux réunions de l’amicale sociale montée par la députée Stella Dupont, poil à gratter de la majorité, et ne cache pas ses réserves sur l’utilité d’un énième projet de loi sur l’immigration. « Si on n’est pas ambitieux sur l’immigration, on perd la gauche raisonnable. Est-ce qu’on ne donne pas les clés directement à Marine Le Pen ? Est-ce qu’on le fait pour calmer la droite ?, s’interroge-t-elle. Je ne veux pas que le macronisme soit une parenthèse. La France a intérêt à garder cet axe central, mais il va falloir déployer des preuves d’amour et du sucré. Il y a une colère latente dans le pays, il faut y répondre. »

Elle continuera de défendre ses convictions dans l'Hémicycle. « On fait aussi de la politique avec ses tripes. Je suis encore très touchée quand je rentre à l’Assemblée nationale. Certains pourront dire que ce n’est rien, mais pour une fille comme moi de la première génération d’enfants d’immigrés… (silence). C’est la République, il y a aussi ça dans cette République malgré tout ce qu’on peut dire aujourd’hui », glisse-t-elle, les larmes aux yeux. 



Le droit à l’épreuve de l’évolution de la famille

Le droit à l’épreuve de l’évolution de la famille

Pathway, quand Sciences Po rime avec deeptech

Pathway, quand Sciences Po rime avec deeptech