Anne-Catherine Robert-Hauglustaine : “Ce qui m’importe, c’est la démocratisation culturelle”

Anne-Catherine Robert-Hauglustaine : “Ce qui m’importe, c’est la démocratisation culturelle”

Depuis sept ans, elle dirige le Musée de l’air et de l’espace du Bourget. À travers une palette d’expositions et d’événements, elle souhaite en particulier intéresser les jeunes de Seine-Saint-Denis et les femmes aux sujets scientifiques et techniques.

Propos recueillis par Thibault Le Besne (promo 24)

Quels objets présentez-vous au Musée de l’air et de l’espace?

On est détenteurs d’originaux liés à la conquête spatiale, qui sont exposés dans un hall. On travaille beaucoup les notions de départ dans l’espace et de retour vers la Terre avec des objets qui ont accompagné les astronautes, des tenues, des maquettes... notamment Ariane 1 et Ariane 5 sur le tarmac. Ce sont des objets uniques. On est en train de récupérer des objets d’Ariane 5, certaines parties du booster et du moteur. Il faut qu’on travaille à la mise en visite de ces objets, qui sont énormes et pèsent plusieurs tonnes.

Comment expliquez-vous ces technologies de pointe à des publics variés?

C’est tout le rôle de la médiation. C’est une spécialisation, un métier, beaucoup de formation pour arriver à être capable de comprendre la technologie afin de la transmettre. Nos médiateurs ne sont pas forcément d’hyper-spécialistes de l’ingénierie, mais ils sont spécialistes de la capacité de transmission. Le rôle du médiateur est de rendre accessible l’objet, quel qu’il soit, à un public plus ou moins ciblé, étudié, même si on ne sait jamais à l’avance qui on aura. En moyenne, on considère qu’il a les connaissances d’un jeune de 15 ans. À partir de là, le médiateur bâtit son propos et raconte une histoire de l’espace en une heure.

«C’est une spécialisation, un métier, beaucoup de formation pour arriver à être capable de comprendre la technologie afin de la transmettre.»
— Anne-Catherine Robert-Hauglustaine

Votre objectif est-il d’attirer de jeunes visiteurs?

L’idée, c’est vraiment de varier pour attirer les publics les uns après les autres. Une exposition temporaire destinée aux enfants, «Petits pas sur la Lune », ouvrira en décembre. Actuellement, avec «Flight », on attire un public très familial. Et on peut proposer une exposition temporaire pour un public plus âgé. On change tous les ans.

Ce qui m’importe, c’est la démocratisation culturelle. On a notamment travaillé sur le public du territoire du 93. On avait vraiment besoin que celui-ci se réapproprie le musée. Aujourd’hui, c’est une réussite. Ce public est important pour nous, car c’est un public scolaire, périscolaire et qui revient.

D’où vous vient votre envie de donner goût aux sciences aux jeunes filles?

Anne-Catherine Robert-Hauglustaine (Crédit : Charlotte Aleman).

C’est un fil rouge dans mon engagement. Ça part d’une conviction que la société doit évoluer. Or les musées peuvent participer à ce mouvement. On doit choisir ses combats, j’ai choisi celui de l’accès des femmes aux métiers scientifiques. Je ne crois pas encore à l’égalité des chances à la naissance. On voit encore du décrochage de jeunes femmes dans les études parce qu’elles sont persuadées que ce n’est pas pour elles. Et dans la vie professionnelle, il reste des plafonds de verre à franchir.

On essaie de parler d’elles en leur donnant des exemples. On a fait une exposition autour des femmes dans l’armée de l’air. Ça passe aussi par des figures tutélaires, en faisant parler des femmes qui ont réussi: la première femme pilote de chasse ou la première femme astronaute, par exemple. On le fait aussi pour les jeunes hommes. On a fait venir Allan Petre, un jeune du 93 devenu ingénieur à la NASA. Il a dit devant des élèves de son ancienne école: «Je n’étais pas le meilleur de ma classe, mais j’ai persévéré. » Quand c’est lui qui le dit, ça a une force incroyable. On peut être le lieu pour ce type d’événements.

La hausse du nombre de visiteurs se voit aussi à travers les différents événements qu’on a lancés, notamment autour de la féminisation des métiers et du salon de formation, le SFMA, qui a battu des records cette année avec quasiment 16000 visiteurs en trois jours. Les pourcentages de jeunes femmes et de jeunes adultes grimpent. C’est une vraie satisfaction. On le garde en fil conducteur, ça sera aussi un sujet pour le Salon du Bourget, en juin.


Cet article a initialement été publié dans le numéro 32 d’Émile, paru au printemps 2025.



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