Valentin Leclercq : “Certains visiteurs m’ont dit qu’ils auraient aimé apprendre comme ça”
Pendant deux ans, il a animé la Cité de l’espace de Toulouse auprès d’un public varié. Comment explique-t-on le cosmos à la fois à un enfant de 5 ans et à quelqu’un qui a vécu les premiers pas sur la Lune ?
Propos recueillis par Thibault Le Besne (promo 24)
Quelles sont les qualités requises pour exercer votre métier ?
L’adaptation et la communication. On pourrait croire qu’il faut être un bon scientifique, mais ce n’est pas le cas. Plein de collègues viennent du journalisme ou du tourisme. En réalité, il faut surtout être un bon communicant, savoir s’exprimer face à un public et s’y adapter. Ayant fait du théâtre, je suis plutôt à l’aise à l’oral.
De quelle manière se déroulaient les visites ?
J’avais des publics de plusieurs dizaines de personnes à 250 personnes, un auditoire très varié, majoritairement composé d’adultes, avec des enfants de tous âges. On peut avoir des publics qui ont vécu les missions Apollo et qui peuvent nous le raconter.
“« J’ai une préférence pour le jeune public parce qu’il a une certaine naïveté, qui permet de poser des questions pouvant sembler très simples, mais qui sont fondamentales. »”
J’ai une préférence pour le jeune public parce qu’il a une certaine naïveté, une bonne naïveté qui permet de poser des questions pouvant sembler très simples, mais qui sont fondamentales. Par exemple, un enfant d’une dizaine d’années m’a déjà demandé : « Dans quoi est l’univers ? » On manie des concepts difficilement compréhensibles, mais qui peuvent justement attiser une curiosité et pourquoi pas, développer une envie de faire de la science. C’est ça qui est vraiment sympa dans le métier d’animateur. Et d’ailleurs, on s’aperçoit très rapidement que les adultes ont tendance à être moins curieux que les enfants et à poser moins de questions.
Comment expliquiez-vous des concepts si ardus ?
J’utilisais pas mal l’humour et différentes intonations qui me viennent du théâtre. Je prenais le parti de faire des petites blagues pour accrocher et de garder un discours très simple sans donner trop de chiffres. Des gens venaient me dire qu’ils auraient aimé apprendre comme ça. Le plus gratifiant, c’est qu’on vienne nous poser des questions, parce que ça veut dire qu’on a suscité un intérêt, un questionnement.
Parce que des débats émergent lors des animations ?
Il m’est déjà arrivé d’avoir des discussions à la fin d’une animation. Généralement, ça tourne plutôt autour de l’écologie et de la pollution de l’espace. Ça peut inquiéter les visiteurs. «On pollue déjà la Terre, pourquoi est-ce qu’on devrait aussi polluer les autres planètes? » C’est intéressant d’y répondre et d’expliquer qu’on ne peut pas polluer un environnement qui n’a pas d’environnement justement, qui n’a pas de vie. Mais ça pose des questions éthiques.
Quelles sont les idées reçues les plus répandues sur l’espace ?
« L’espace coûte très cher. » J’aime donner l’exemple des missions Perseverance. Elles ont coûté 2,5 milliards de dollars. La NASA souhaite reprendre les échantillons et ça coûterait dans les 10 milliards de dollars. On se dit: « Wow, 10 milliards !? » ; mais quand on fait un parallèle avec le budget de la défense des États-Unis, qui est de 1000 milliards de dollars, tout d’un coup, ça met une différence d’échelle. Des choses qui ont une utilité et une éthique discutables coûtent extrêmement plus cher que les missions spatiales, qui vont rapporter quelque chose de plus intéressant que d’investir dans des missiles – de mon point de vue.
“« Des choses qui ont une utilité et une éthique discutables coûtent extrêmement plus cher que les missions spatiales, qui vont rapporter quelque chose de plus intéressant que d’investir dans des missiles. »”
D’où vous vient votre passion pour l’espace ?
De tout petit ! Je pense que ça vient de mes lectures. Je me souviens d’un livre qui montrait les technologies spatiales pour aller sur Mars. On voyait des grosses fusées, des gros vaisseaux, et ça m’avait plu. Quand j’étais petit, je voulais être constructeur de fusées. Mais il s’avère que ce n’est pas un métier, il y a plein de gens et des métiers très variés qui construisent des fusées! Ça m’a conduit à l’ingénierie et à l’aérospatial.
J’ai beaucoup visité la Cité de l’espace quand j’étais plus jeune donc y travailler, c’était un peu un rêve. Ça m’a permis de transmettre ma passion au grand public.
Cet article a initialement été publié dans le numéro 32 d’Émile, paru au printemps 2025.