Le billet de Pascal Perrineau - Sénatoriales : les difficultés commencent...

Le billet de Pascal Perrineau - Sénatoriales : les difficultés commencent...

Le politologue Pascal Perrineau, président de Sciences Po Alumni et ancien directeur du CEVIPOF (Crédits photo : Manuel Braun) 

Le politologue Pascal Perrineau, président de Sciences Po Alumni et ancien directeur du CEVIPOF (Crédits photo : Manuel Braun) 

La majorité sénatoriale organisée autour des groupes Les Républicains et Union centriste, est sortie grand vainqueur des élections sénatoriales. Les deux groupes ont connu une très sensible progression de leurs effectifs alors que la tentative de renforcement de La République en Marche enregistrait un coup d’arrêt et que la gauche sénatoriale faisait de la résistance. Après une séquence triomphale marquée par l’élection présidentielle et les élections législatives, le Président de la République et sa majorité ont rencontré leur premier désaveu politique.

Certes, La République en Marche n’existait pas en 2014 lors des élections municipales qui ont fourni l’essentiel des cohortes d’électeurs sénatoriaux. La droite et le centre avaient remporté largement ces élections et la victoire du 24 septembre était quasi-mécaniquement inscrite dans celle de 2014.

Mais enfin, on sait la capacité de La République en Marche, et de son créateur, à perturber les  clivages politiques. La séduction macroniste s’est  évanouie face à la grogne d’élus locaux pris, durant l’été, à rebrousse-poil par toute une série de mesures annoncées par le nouveau pouvoir : demande de 13 milliards d’économies pour les collectivités locales sur la durée du quinquennat, gel de 300 millions d’euros sur le budget 2017 de ces mêmes collectivités, baisse drastique du nombre de contrats d’emplois aidés, réforme de la taxe d’habitation, fin de la réserve parlementaire…

En accordant un faible soutien aux candidats de La République en Marche, les élus sénatoriaux ont exprimé dans les départements leur hostilité à nombre de ses réformes. Le nouveau pouvoir a pu donner l’impression qu’il ne rompait pas avec le style de réformes technocratiques venues d’en haut qui ont marqué les quinquennats précédents de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Cette impression a été renforcée par certains « éléments de langage » utilisés par ses soutiens qui vantaient les charmes du « monde nouveau » par rapport aux archaïsmes du « monde ancien » auquel étaient renvoyés les élus locaux. Enfin, il faut noter que le vote en faveur des forces qui constituent la majorité sénatoriale a quelque chose à voir avec la volonté de nombreux électeurs sénatoriaux de montrer leur attachement à un Sénat défenseur des libertés et soucieux d’un équilibre des pouvoirs.

Après les déceptions en termes d’opinion publique, le nouveau pouvoir se heurte à une résistance forte des élus dans les territoires. L’OPA politique victorieuse que la formation du Président de la République avait lancée sur les forces politiques traditionnelles trouve son butoir. Au-delà du groupe des sénateurs de La République en Marche, les sentiments « constructifs » de sénateurs de droite ou de gauche –sans disparaître- se sont affadis et rendent plus difficiles les ambitions de recomposition politique dont La République en Marche est porteuse. La réforme constitutionnelle portée par le Président devient plus difficile à mener, le travail législatif devra s’habituer à prendre en compte les vues sénatoriales, les réformes mettant en cause les territoires devront être davantage à l’écoute des femmes et des hommes qui, sur le terrain, sont les premiers responsables du maillage démocratique et républicain du pays. Au fond, cette nouvelle qui a pu décevoir les ardeurs perturbatrices de La République en Marche n’est pas forcément une « mauvaise nouvelle » si elle se traduit par une meilleure écoute de la démocratie locale, l’accentuation de la concertation et le fonctionnement d’une démocratie faite de poids et de contrepoids.

 

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