Covid-19 : récit d'un confinement à Singapour

Covid-19 : récit d'un confinement à Singapour

En voyage d’étude sur la ville intelligente, Benoît et Dimitri, étudiants en master à Sciences Po, sont arrivés à Singapour le 17 mars dernier. D’abord en quarantaine pour 14 jours, puis libres pendant une semaine, ils sont à nouveau confinés. Pour Émile, ils racontent leur découverte de la cité-État dans ce contexte particulier. 

À votre arrivée à l’aéroport de Singapour, le 17 mars dernier, quelle procédure avez-vous dû suivre ? Avez-vous subi des examens médicaux ? Avez-vous été testés au Covid-19 dès votre arrivée ?

Notre arrivée à Singapour était lunaire, tout comme notre voyage. À la sortie de l’avion, on nous a pris notre température avec un thermomètre Laser, mais nous n’avons pas été testés au Covid-19.

Dans un aéroport quasi-vide, nous nous sommes rendus à l’Immigration Desk, où nous avons dû détailler notre historique de voyage, et donner nos numéros de téléphones et notre adresse de résidence à Singapour. À cause de notre escale aux Philippines, nous avons reçu une Stay Home Notice de 14 jours…

Pas de chance, c’était une toute nouvelle règle : 9 heures plus tôt, nous n’aurions eu aucune quarantaine ! Singapour a en effet graduellement imposé ces quatorzaines obligatoires aux voyageurs, en fonction de leur provenance… Jusqu’à bloquer totalement l’arrivée des étrangers le 24 mars. Heureusement, nous y étions déjà !

Arrivée de Dimitri et Benoît à l’aéroport de Changi le 17 mars, dernier moment de liberté avant 14 jours de quarantaine / Crédits : Dimitri Kremp et Benoît Gufflet

Arrivée de Dimitri et Benoît à l’aéroport de Changi le 17 mars, dernier moment de liberté avant 14 jours de quarantaine / Crédits : Dimitri Kremp et Benoît Gufflet

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la période obligatoire de quarantaine de 14 jours ? Est-ce un confinement total avec interdiction de sortir ? Ou aviez-vous le droit d’effectuer vos courses ou des achats de première nécessité ?

La Stay Home Notice que nous avons reçue était très stricte : interdiction pour nous de sortir de notre lieu de résidence, pour quelque raison que ce soit. Nous ne pouvions pas mettre un pied dehors, même pour faire les courses.

Heureusement, nous étions logés chez des amis, dans une maison où nous pouvions nous déplacer un minimum. Si nous avions opté pour l’hôtel, cela aurait été bien différent : interdiction de sortir de la chambre pendant 14 jours, pas le droit de recevoir de visite, et obligation de commander en ligne tous les repas ! 

Des contrôles de police étaient-ils effectués pour vérifier le respect des règles de confinement ? 

C’était LA grosse question qui nous a occupée pendant 14 jours. À l’aéroport, on nous a dit que les autorités ne lésineraient pas sur les moyens pour s’assurer que nous respecterions notre quarantaine : appels WhatsApp inopinés, partage de localisation, visites surprises des autorités pour vérifier que nous sommes bien chez nous… Mais dans les faits, pendant 14 jours, nous n’avons rien eu de tout cela. Dans un excès de zèle, nous avons même envoyé un mail à l’Immigration & Checkpoints Authority, pour vérifier qu’ils avaient bien enregistré notre adresse ! 

« À l’aéroport, on nous a dit que les autorités ne lésineraient pas sur les moyens pour s’assurer que nous respecterions notre quarantaine : appels WhatsApp inopinés, partage de localisation, visites surprises des autorités pour vérifier que nous sommes bien chez nous… »

Une fois libérés, quelles étaient les règles à suivre à Singapour ? Vous aviez apparemment le droit de sortir, d’explorer la ville, voire d’entrer en contact avec d’autres personnes. Une attestation était-elle nécessaire pour quitter son domicile ? 

 Notre « libération » du 1er avril restera pour nous un souvenir fort : après 14 jours à tourner en rond, nous pouvions enfin découvrir la ville ! À ce moment-là, la situation à Singapour était quasi normale, nous pouvions aller au restaurant, visiter les musées, rencontrer des gens… Et tout ça sans attestation ! À condition, bien sûr, de respecter les règles du social-distancing : contrôles de températures fréquents, obligation de remplir des formulaires de contact tracing en entrant dans n’importe quel espace public, limitation à une table sur deux au restaurant, etc.

Découvrir la ville dans cette situation était troublant, d’autant plus que la menace du virus était toujours là : chaque soir, nous recevions un message du gouvernement avec les nouveaux cas de la journée, qui augmentaient d’un jour à l’autre… Finalement, ce que nous pressentions a été annoncé vendredi dernier, et le confinement général a été mis en place ce mardi dans toute la ville. 

Vue depuis la promenade de Southern Ridges à la veille du confinement le 5 avril / Crédits : Dimitri Kremp et Benoît Gufflet

Vue depuis la promenade de Southern Ridges à la veille du confinement le 5 avril / Crédits : Dimitri Kremp et Benoît Gufflet

 Vous êtes donc maintenant confinés à Singapour… La situation est-elle meilleure qu’en France ? 

Pas vraiment. Aujourd’hui, la situation ici est à peu près la même que celle de la France, si ce n’est que la crise sanitaire y est (pour le moment ?) moins importante… et que nous pouvons encore sortir à plus d’un kilomètre de chez nous !

Nous pensions à la base que le confinement serait moins strict, avec la possibilité de sortir à plusieurs, de se rendre chez des amis, etc. Mais une nouvelle directive a été passée mardi 7 avril, et interdit jusqu’à nouvel ordre toute rencontre avec des personnes qui ne vivent pas sous le même toit.

Malgré tout ce que l’on pouvait lire sur la « gestion exemplaire » de la crise par Singapour, alliant du safe distancing dans l’espace public à des procédures de contact tracing élaborées, cela n’aura donc finalement pas permis à la cité-état d’éviter le confinement. 

Le 5 avril, les panneaux affichant la solidarité des Singapouriens avec le personnel médical ne sont pas épargnés par le safe distancing / Crédits : Dimitri Kremp et Benoît Gufflet)

Le 5 avril, les panneaux affichant la solidarité des Singapouriens avec le personnel médical ne sont pas épargnés par le safe distancing / Crédits : Dimitri Kremp et Benoît Gufflet)

 Dans ce contexte, comment comptez-vous poursuivre votre voyage ? 

Très bonne question… Vu l’évolution de la situation à Singapour, nous n’avons plus vraiment de raison de rester, et allons donc probablement bientôt rentrer à la maison. Mais nous restons positifs : nous avons de très bonnes relations avec nos sponsors, et pourrons poursuivre notre travail avec eux depuis Paris. Et puis, si une mise en pause de notre projet est aujourd’hui nécessaire, cela ne nous empêchera pas de repartir ensuite… Même confinés, on peut toujours rêver ! 


Accros The Blocks

Étudiants en  deuxième année du double diplôme Sciences Po – HEC « Corporate and Public Management », Benoît et Dimitri ont imaginé Across The Blocks, une Learning Expedition sur le thème de la ville intelligente. Leur idée ? Partir explorer les smart cities d’aujourd’hui, y expérimenter eux-mêmes les nouveaux usages du digital, et comprendre, au-delà du marketing, comment la technologie influence vraiment l’avenir de la ville. 

Cette initiative a été rendue possible grâce au soutien de plusieurs entreprises et associations, sensibles aux enjeux de transformation des villes : le groupe Bouygues Immobilier, le cabinet de conseil Wavestone, et le think-thank La Fabrique de la Cité. Sciences Po Alumni soutient aussi ce beau projet étudiant, en mobilisant son réseau d’anciens tout au long du chemin. 

Partis le 15 janvier dernier, Dimitri et Benoît ont déjà exploré Rio de Janeiro, Medellin et Toronto. Vous pouvez les suivre sur Instagram @acrosstheblocks, ou bien vous rendre sur leur site internet pour voir leurs dernières publications : www.acrosstheblocks.com



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