Sciences Po lance la Paris Climate School

Sciences Po lance la Paris Climate School

Former une nouvelle génération de dirigeants aux enjeux scientifiques et politiques du changement climatique, c’est le projet de cette nouvelle école, dont les 100 premiers étudiants franchiront les portes à la rentrée 2026. 

Par Thomas Arrivé

Dans un peu moins d’un an, une centaine d’étudiants entameront un master de deux ans, dispensé en anglais, intitulé « Ecological transitions, risks and governance ». Ce seront les premiers élèves de la nouvelle Paris Climate School, la huitième école créée par Sciences Po au niveau master.

C’est la première fois en Europe qu’est lancée une école en sciences humaines et sociales avec pour objectif spécifique de former de futurs décideurs à mener la transformation écologique, gérer les risques climatiques et renforcer la résilience de la société. La Paris Climate School est née d’un constat : le défi environnemental n’est pas seulement technique. Il est politique, social, économique, juridique. Il faut doter les futurs dirigeants, dans le public comme dans le privé, des compétences pour y faire face. La formation permettra aux étudiants de penser les enjeux écologiques en faisant le lien entre les savoirs scientifiques et les leviers d’action économique et sociopolitique, à tous les niveaux de gouvernance.

Parmi les thèmes qui nourrissent ce projet académique, on peut citer le financement de la transition, la planification écologique, la gestion des risques et des catastrophes, les enjeux d’industrialisation verte, l’évolution des modèles agricoles, la gestion de l’eau, toujours en prenant en compte les dimensions sociales et politiques des décisions.

La formation permettra aux étudiants de penser les enjeux écologiques en faisant le lien entre les savoirs scientifiques et les leviers d’action économique et sociopolitique, à tous les niveaux de gouvernance.

En plus de ce premier master, d’autres pistes seront explorées à la rentrée suivante : masters spécialisés, doubles diplômes, diplômes joints internes.

L’expertise de Sciences Po en matière de transition écologique n’est plus à prouver : 370 cours abordent déjà le sujet, dont un, obligatoire, pour tous les élèves de Bachelor. Cinq masters spécialisés figurent également parmi l’offre actuelle des autres écoles. En outre, au niveau des 11 laboratoires et départements, une centaine d’enseignants-chercheurs, post-doctorants et doctorants travaillent sur les transformations environnementales. 

Des débouchés en entreprise et dans l’administration

La pédagogie de la Paris Climate School a été pensée avec des recruteurs du public comme du privé. Tous témoignent d’un besoin de profils transverses. Les futurs diplômés seront préparés pour intégrer les entreprises (de la stratégie aux finances en passant par la gestion des risques et la responsabilité sociale des entreprises), mais aussi l’administration, les ministères, les collectivités locales, les institutions européennes et internationales. Ces diplômés pourront travailler sur des politiques environnementales, mais pas seulement.

La gouvernance de l’école est assurée par Laurence Tubiana (lire l’interview ci-dessous) et Sophie Dubuisson-Quellier. Laurence Tubiana, doyenne de l’école, est économiste et diplomate, présidente de la Fondation européenne pour le climat (ECF) depuis 2017. Elle a été ambassadrice chargée des négociations lors de la COP21. Sophie Dubuisson-Quellier, directrice du comité scientifique de l’école, est directrice de recherche au CNRS et directrice du Centre de sociologie des organisations (CSO) de Sciences Po.

La Paris Climate School bénéficie d’ores et déjà de l’appui de Mirova et de Natixis Investment Managers, qui se sont engagés à financer l’école à hauteur de 500 000 euros sur quatre ans. 


Trois questions à Laurence Tubiana

Quel sens prend la création d’une Paris Climate School dans le contexte politique actuel ?

Laurence Tubiana (promo 73), doyenne de la future Paris Climate School, a été l’architecte de l’Accord de Paris sur le climat, à la COP21 de 2015. (Crédits : Thomas Arrivé)

On a besoin d’un espace de réflexion, d’analyse et d’enseignement, dans un monde où est niée la dimension de la nature, la protection du climat, celle de la biodiversité et des océans. C’est très violent, l’attaque qui a lieu en ce moment – aux États-Unis bien sûr, mais elle est en train de contaminer l’Europe – et ce mouvement s’en prend même aux mots. Combien de fois, aujourd’hui, je vois les uns et les autres reculer devant le terme « climat » ? Aujourd’hui, on ne parle plus de « changement climatique », mais d’« industrie propre », de « durable »… Mais la plupart du temps, on n’a plus l’expression « changement climatique ». Il y a une attaque discursive très violente. Voilà pourquoi créer une école et la nommer Paris Climate School est très important : il faut signaler le fait. 

« Créer une école et la nommer Paris Climate School est très important : il faut signaler le fait »  
— Laurence Tubiana, doyenne de la Climate School

Quelle place va-t-elle occuper au sein de Sciences Po ?

Je fréquente Sciences Po depuis longtemps, d’abord comme étudiante, puis comme professeure. J’y ai enseigné à partir de 2004. Et je trouvais qu’il manquait une cohérence, un rassemblement dans ces problématiques qui sont croisées : la biodiversité, la question des océans, de la nature, des ressources et du climat. Il se trouve que j’ai participé moi-même à la création d’une école sur le climat à Columbia, à New York. J’ai aussi conseillé celle qui a pris naissance à Stanford. Et je trouvais dommage que nous n’ayons pas cette signalétique. À Sciences Po, il existe déjà des formations sur le climat. Les écoles qui les proposent travaillent très bien, mais c’est une dimension parmi d’autres de leur offre. Et je crois qu’il faut aujourd’hui, dans ce contexte, affirmer cette différence. Donc voilà l’intérêt, symbolique, scientifique, intellectuel de cette nouvelle école. 

À quelles carrières va-t-elle préparer ?

Dès qu’on a signalé le lancement de l’école, j’ai reçu des milliers de commentaires, venant d’entreprises, de banques, évidemment d’autres professeurs ou d’étudiants. Il y a une demande réelle, dans un moment où tout recule. Il y a des besoins dans l’industrie, il y a des besoins dans la finance, il y a des besoins dans les collectivités locales : il y a des besoins de compétences pour préparer le monde à cette transformation, qui est à la fois technologique et sociale. Tous les secteurs sont concernés. Je peux prendre un exemple : il y a environ deux ans, le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini s’est rendu compte que les très hauts fonctionnaires manquaient de notions sur ces relations entre les écosystèmes et les sociétés humaines. Et j’ai présidé, avec Luc Abbadie, professeur de biologie, la mise en place d’un dispositif permettant à des hauts fonctionnaires, à la fois dans les administrations locales et dans les centres parisiens, d’être formés par des chercheurs à comprendre ce qui se passe. La distance est grande entre ce que les acteurs s’imaginent savoir et ce qui est vraiment du savoir solide. Donc le besoin de formation est là. Et à Sciences Po, pour les étudiants, l’école va y répondre. 

Cet article a initialement été publié dans une version courte dans le numéro 34 d’Émile, paru en novembre 2025.


lire d'autres actualités de sciences po

Julia Minkowski : "Notre justice se meurt de sa lenteur"

Julia Minkowski : "Notre justice se meurt de sa lenteur"