Les livres politiques du mois de mai 2022

Les livres politiques du mois de mai 2022

Tous les mois, Émile vous propose de découvrir une sélection de livres abordant des questions politiques sous différents angles. Au programme de ce mois-ci, les grands sujets ayant animé la récente élection présidentielle : changement climatique, retraites et administration… mais aussi la biographie d’un acteur oublié de la Révolution française et un passage par les coulisses de la médiation internationale. À lire !

Par Camille Ibos

Le Marquis de Bonnay, Le père oublié de la Déclaration des droits de l’homme

Et si le père de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’était pas Mirabeau, mais un obscur garde du corps de Louis XVI, élu de la noblesse aux états généraux ? Construisant sur un héritage et sur des manuscrits d’époque, François Duluc réhabilite ici la figure méconnue du Marquis de Bonnay, avide lecteur des idées des Lumières, ami de Talleyrand et Marie-Antoinette et indispensable artisan des droits et des libertés. Il y explique sa rivalité avec Mirabeau, son rôle de président de l’Assemblée nationale et son influence progressiste et modératrice sur les idées du futur Louis XVIII. L’homme à qui l’on doit l’article 10 de la Déclaration sur la liberté d’opinion, soupçonné par les révolutionnaires d’être trop noble et par les nobles d’être trop révolutionnaire, mérite de demeurer davantage qu’un secret d’histoire. Dans cette biographie exhaustive, l’auteur appelle à reconnaître et comprendre cet « illustre inconnu », insaisissable modéré dont l’absence de Mémoires est désormais corrigée.

L’Auteur

François Duluc (promo 82) a travaillé plus de trente ans comme directeur des services de l’Assemblée nationale au Palais-Bourbon. Spécialiste de l’histoire des idées politiques, il enseigne à Sciences Po depuis 1991.

Le Marquis de Bonnay, Le père oublié de la Déclaration des droits de l’homme, François Duluc (promo 82), Passés composés, 416 pages, 24€


Réformer les retraites, une crispation française

Le 5 décembre 2019, l’annonce par le gouvernement du projet de retraite universelle à points fait bondir les syndicats et déclenche la plus ample mobilisation populaire depuis 2010. À l’heure où Emmanuel Macron, tout juste réélu, conserve un relèvement de l’âge de départ dans sa ligne de mire, Thierry Legrand-Browaëys revient sur l’importance toute particulière qu’attachent les Français aux conditions de leur retraite. Depuis l’édit du 23 septembre 1673 sur le Fonds des invalides de la Marine et jusqu’à la fin de la retraite à soixante ans, sur fond de multiplication des régimes spéciaux et de profonde fracture sociale, le thème de la retraite est aussi l’occasion de rappeler l’importance des valeurs qui fondent notre démocratie : le principe de solidarité, la fraternité et le respect de la volonté collective — pierres angulaires indispensables au vivre ensemble et que l’auteur appelle à ne surtout pas oublier.

L’auteur

Thierry Legrand-Browaëys (promo 99) est l’auteur de Formation professionnelle : Comment en sommes-nous arrivés là?, publié en 2019 chez Edilivre. Également diplômé de l’EM Lyon, passé par des grands groupes comme Saint-Gobain ou LafargeHolcim, il est désormais directeur des ressources humaines chez Prysmian Group, conseiller prud’homme et contributeur à Cadre & Dirigeant Magazine.

Réformer les retraites, une crispation française, Thierry Legrand-Browaëys (promo 99), L’Harmattan, 230 pages, 23€50


La société des organisations

Dans un monde de sigles et de structures multiples, où chaque nouvelle mission est confiée à une nouvelle organisation avec ses propres codes et ses propres règles, l’inutile complexification fait loi. Pour cet ouvrage cas à l’appui, Olivier Borraz a fait appel à des sociologues, politiques et historiens qui cherchent ensemble à expliquer cette prolifération organisationnelle. La mondialisation, la transformation numérique et l’omniprésence du droit y ont chacun leur chapitre, dans l’objectif d’expliquer l’impact de ces organisations multiples sur les défis de notre siècle, des inégalités au réchauffement climatique. Un décryptage rigoureux de la « société de l’organisation » dans ses nombreuses dimensions et enjeux.

L’auteur

Olivier Borraz (promo 87) a étudié la sociologie a Sciences Po et Paris 1. Directeur de recherche au CNRS depuis près de trente ans, directeur du Centre de Sociologie des Organisations depuis près de dix, il est aussi le co-auteur de Covid-19 : une crise organisationnelle, publié en 2020 aux Presses de Sciences Po

La société des organisations, Olivier Borraz (promo 87), Presses de Sciences Po, 336 pages, 24€


La médiation internationale, entre guerre et paix

Cette typologie inédite de la médiation internationale, politique, d’expertise ou sociétale occupe l’auteure depuis ses années de thèse et vise à décrypter les règles et les manières de cette essentielle pratique pacificatrice. Les relations entre les parties, la méthode d’analyse du conflit et les fonctions de la médiation y trouvent chacune leur place. Malgré ses acteurs et ses enjeux divers, la médiation défend toujours le même objectif : privilégier le dialogue à l’usage de la violence physique. Pour l’évoquer, la typologie de Milena Dieckhoff s’appuie finalement sur une variété de cas pratiques, de la reconstruction de la nation mozambicaine à la responsabilisation des parties au Kenya en passant par les négociations d’experts norvégiens au Sri Lanka.

L’auteure

Milena Dieckhoff (promo 16) est diplômée en relations internationales et docteure en sciences politiques à la suite de sa thèse intitulée Médiation, médiations ? Typologie d’une activité pacificatrice dans les conflits politiques violent de l’après-Guerre froide. Professeure de relations internationales à Sciences Po, Lille 2, Paris-Dauphine ou encore à l’Université de Namur, elle travaille désormais à l’Université de Clermont-Ferrand.

La médiation internationale, entre guerre et paix, Milena Dieckhoff (promo 16), Presses de Sciences Po, 245 pages, 19€


GIEC, La Voix du climat

Le 4 avril 2022, le dernier rapport du GIEC, Quelles solutions face au réchauffement climatique ? , sonnait à nouveau l’alarme. Cet ouvrage de Kari de Pryck, préfacé par le politologue en géopolitique de l’environnement François Gemenne, « ouvre la boîte noire » de ce Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat et étudie la manière dont s’est construite sa légitimité depuis sa fondation en 1988. Processus d’évaluation, négociation avec les États, lourdeur bureaucratique et dépolitisation des enjeux climatiques sont également couverts dans cette publication qui, pour l’auteure, conclue huit ans d’observation soutenue du GIEC par le prisme des sciences sociales.

L’auteure

Kari de Pryck (promo 18) étudiait à Bruxelles avant de rejoindre conjointement Sciences Po et l’Université de Genève pour son doctorat. Passée par Cambridge et AgroParisTech pour enseigner cette fois, elle s’intéresse désormais aux groupes de travail du GIEC depuis l’Université Grenoble-Alpes.

GIEC, La Voix du Climat, Kari de Pryck (promo 18), Presses de Sciences Po, 240 pages, 21€


Un si vital sentiment d’insécurité

Le 3 juin 2021, en déplacement dans le Lot, Emmanuel Macron évoquait une société « de violence endémique » et un « sentiment d’insécurité » grandissant. Mais le monde devient-il réellement plus violent ? Ou sommes-nous seulement plus sensibles à cette violence ? Dans cet ouvrage, la psychologue Isabelle Siac appelle à comprendre un sentiment souvent ignoré, solitaire dans son ressenti et universel dans sa prévalence. Elle en étudie les causes, la contagiosité et la manière de le surmonter. Loin d’être une faiblesse, les insécurités d’une personne sont autant de signaux d’alerte, qu’il est essentiel d’apprendre à maîtriser sans tomber dans la paranoïa.

L’auteure

Diplômée, en parallèle de Sciences Po, d’un master en thérapie cognitive, Isabelle Siac (promo 88) a travaillé dans les ressources humaines avant de devenir psychologue spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire. Scénariste, elle a également publié deux romans, Des ambitieux (Lattès, 2010) et Le Talent ou la Vertu (Belfond, 2016).

Un si vital sentiment d’insécurité, d’Isabelle Siac (promo 88), Editions de l’Observatoire, 288 pages, 21€



Dominique Rousseau : "L’imaginaire des sociétés est en décalage avec celui des institutions"

Dominique Rousseau : "L’imaginaire des sociétés est en décalage avec celui des institutions"

Frédéric Gros : "Avoir honte du monde, c’est se permettre de le regarder comme il est, d’en constater l’état de détresse et d’injustice"

Frédéric Gros : "Avoir honte du monde, c’est se permettre de le regarder comme il est, d’en constater l’état de détresse et d’injustice"