Admission via Parcoursup : "Les candidats retenus le sont pour leur capacité à exceller sur des terrains différents et complémentaires "

Admission via Parcoursup : "Les candidats retenus le sont pour leur capacité à exceller sur des terrains différents et complémentaires "

Ces dernières années, le processus de sélection des élèves de Bachelor a été transformé. La suppression du concours écrit a été actée en 2019, puis Sciences Po a intégré la plateforme Parcoursup pendant l’année scolaire 2021-2022. De nombreuses questions et critiques ont découlé de ces changements. Pour mieux comprendre la réforme des admissions, Émile s’est entretenu avec le directeur de l’école, Mathias Vicherat. 

Propos recueillis par Maïna Marjany et Driss Rejichi

Mathias Vicherat sur le nouveau campus de Saint-Thomas. (Crédits : Martin Argyroglo/Sciences Po)

Il y a quelques mois, Sciences Po accueillait sa deuxième promotion d’admis via Parcoursup. Pouvez-vous nous rappeler à quelle logique répondait la suppression du concours écrit ? 

Sciences Po a l’ambition d’aller chercher l’excellence partout où elle se trouve. Nous avons mené depuis deux ans une réforme des admissions ambitieuse, pour permettre à notre institution d’améliorer et de diversifier davantage encore son recrutement. Les résultats observés à l’issue des deux premières campagnes d’admission post-réforme montrent qu’il est possible d’aller vers plus d’ouverture sociale et territoriale, sans renoncer à l’excellence et en continuant d’affirmer sa stature d’université internationale de premier rang en sciences humaines et sociales. 

Par rapport à 2020, dernière année avant la mise en place de la réforme, le nombre de candidats a augmenté de 60 %, ce qui démontre que Sciences Po constitue une formation sélective qui continue à attirer de nombreux lycéens désireux de poursuivre des études en sciences humaines et sociales. Surtout, nous avons augmenté de 50 % le nombre de lycées dont proviennent nos candidats. Dans le même temps, nous avons accru le nombre de boursiers parmi les admis – de 30 % désormais – sans jamais brader l’excellence puisque 97 % des admis ces deux dernières années ont obtenu la mention « très bien » au baccalauréat.

« Nous avons augmenté de 50 % le nombre de lycées dont proviennent nos candidats. »

La suppression du concours écrit a été considérée par certains comme un abaissement des critères de sélection. Est-ce le cas ? Quels sont les nouveaux critères de sélection ? 

Contrairement à ces idées reçues, l’admission à Sciences Po reste particulièrement exigeante ! La nouvelle procédure de sélection vise à donner sa chance à chacun, sans avoir besoin d’une préparation spécifique. Elle s’appuie sur quatre épreuves qui pèsent d’un poids égal et confèrent une importance primordiale aux années du lycée : la performance académique au cours des trois années au lycée ; les résultats au baccalauréat ; la réalisation de deux écrits, dont la motivation et l’essai rédactionnel ; et un entretien oral réalisé à distance qui a permis à des jeunes de toute la France de se présenter sans avoir à se déplacer. 

Il était important de repenser la procédure qui, auparavant, profitait surtout à des publics initiés. Il demeurait une forme d’autocensure de certains bacheliers, sans parler des préparations organisées dans certains lycées ou par des institutions privées souvent très onéreuses pour se préparer à notre examen. 

« Il était important de repenser la procédure qui, auparavant, profitait surtout à des publics initiés. »

Que répondez-vous aux lycéens qui s’estiment lésés par ce processus de sélection et ne comprennent pas leur non-admission malgré des résultats scolaires brillants ?

Des résultats scolaires brillants et une scolarité remarquable sont très importants, mais ne suffisent pas : tous nos admis sont d’excellents élèves, parmi les meilleurs de leur classe. Mais notre procédure demande aussi aux lycéens d’avoir confirmé leur excellence lors du baccalauréat et de savoir défendre leur projet d’études, leur motivation et leurs qualités à l’écrit. Puis d’en convaincre à l’oral en faisant preuve de vivacité, de capacité d’argumentation et d’intelligence. Les candidats retenus le sont pour leur capacité à exceller sur des terrains différents et complémentaires.

Et que répondez-vous aux proviseurs de lycées qui se plaignent que leurs élèves sont moins nombreux à être admis à Sciences Po ? 

L’ambition de la réforme des admissions et de l’intégration à Parcoursup était de diversifier notre vivier de candidats et d’étudiants et de lever l’autocensure des lycéens. Et cela a fonctionné. Par la voie générale, les candidats sont originaires de 1 840 lycées différents et les admis de près de 600 (moyenne de 1,5 admis par établissement). Les admis de la voie générale viennent de toutes les régions de France et leur répartition reflète chaque année de plus en plus fidèlement celle des lycéens français : 30 % des admis sont ainsi issus de lycées d’Île-de-France (ils représentent 21 % des lycéens français), suivis des 9 % des admis d’Auvergne-Rhône-Alpes (12 % des lycéens français) et 8 % du Grand Est (8 % des lycéens français). Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’avec l’augmentation du nombre de candidats, le taux de sélection s’est resserré (7 % en 2021 et 9 % en 2022). 

« L’ambition de la réforme des admissions et de l’intégration à Parcoursup était de diversifier notre vivier de candidats et d’étudiants et de lever l’autocensure des lycéens. »

Nous avons aussi constaté que certains lycées, très exigeants, notaient plus sévèrement leurs élèves. Sans le vouloir, ils nuisent à leur candidature, car la performance académique au cours des trois années de lycée compte pour un tiers de la note du dossier de candidature. Nous continuons ainsi à travailler avec les proviseurs de lycées pour les aider à bien comprendre notre nouvelle procédure d’admission sur Parcoursup. Ce que nous recherchons, ce sont d’excellents élèves aux profils et aux talents les plus divers, des jeunes personnes brillantes, curieuses et engagées qui ont un goût pour l’intérêt général et une envie d’être actrices du monde actuel.

Le nombre de candidatures pour intégrer Sciences Po a fortement augmenté depuis la réforme de la procédure. Comment l’administration réagit-elle face à cet afflux de demandes ? 

La nouvelle procédure d’admission est qualitative et repose sur deux étapes de sélection, tout d’abord une double évaluation « humaine » de chaque dossier de candidature, puis un oral avec deux examinateurs. 

Il n’existe aucun algorithme ou présélection de dossiers. Tous sont examinés par deux évaluateurs qui ne se connaissent pas et apportent chacun un avis indépendant sur la candidature. Si le candidat obtient une note minimum, fixée par le jury à l’issue des trois premières épreuves de l’admission, il est invité à l’oral d’admission qui se déroule à distance, devant une commission composée de deux examinateurs. L’attention portée à chaque candidature est constante ! 

« La nouvelle procédure d’admission repose sur deux étapes de sélection, tout d’abord une double évaluation “humaine” de chaque dossier de candidature, puis un oral avec deux examinateurs. Il n’existe aucun algorithme ou présélection de dossiers. »

Les équipes ont ainsi été renforcées et près de 800 évaluateurs de dossiers et 300 examinateurs d’oraux sont mobilisés chaque année. Ils examinent les 12 000 à 15 000 candidatures que nous recevons chaque année pour le Bachelor de Sciences Po et font passer plus de 3 000 oraux. 

Dans votre dossier de candidature à la direction de l’école, vous écriviez que Sciences Po, « modèle de démocratisation » depuis la mise en place des conventions CEP sous Richard Descoings devait « amplifier l’inclusion et la promotion de l’égalité des chances ». Mais contrairement au nombre de candidats, les places disponibles à Sciences Po n’ont pas augmenté. Quelles mesures permettent de concilier l’ouverture sociale et la sélectivité ?

Il faut tout d’abord se rappeler l’extraordinaire croissance de Sciences Po : en 10 ans, l’école a quasiment doublé son nombre d’admis. Avec près de 1 700 admis par an, je crois qu’un certain équilibre a été trouvé. 

Nous avons en effet décidé d’un renforcement du dispositif CEP, qui reste unique dans l’enseignement supérieur français et un modèle inspirant pour grand nombre d’universités dans le monde. Nous avons dorénavant 200 lycées partenaires sur presque tout le territoire : 29 académies sur 30 sont représentées, ainsi que sept territoires d’outre-mer. 

« Nous avons en effet décidé d’un renforcement du dispositif CEP, qui reste unique dans l’enseignement supérieur français et un modèle inspirant pour grand nombre d’universités dans le monde. »

Les élèves de première et de terminale suivent dans nos lycées partenaires les ateliers « Premier campus », qui leur permettent de se préparer à un cursus dans l’enseignement supérieur et, plus spécifiquement, à s’inscrire dans une démarche de candidature à Sciences Po. J’ai annoncé l’augmentation de 50 % du nombre d’étudiants admis via cette voie : pour la rentrée 2022, Sciences Po a accueilli 170 étudiants issus de la voie CEP, ils seront 250 en 2023. La voie CEP reste très exigeante et le niveau des élèves admis est très bon : ils sont plus de 80 % à avoir obtenu la mention « très bien » au baccalauréat. 

Les inscriptions sur Parcoursup pour l’année scolaire 2023-2024 se sont ouvertes en janvier. Avez-vous un message pour les lycéens se préparant à candidater à Sciences Po ?

Nous conseillons aux candidats de faire le maximum d’efforts pour répondre aux exigences de leur lycée et pour obtenir les meilleurs résultats possibles dans toutes les matières, tout au long de leur scolarité. Il est également essentiel de se donner du temps pour découvrir notre formation à Sciences Po avant de constituer et de soumettre le dossier de candidature en ligne. Il faut réfléchir à sa motivation et à son projet d’études et il est fondamental de prendre son temps pour rédiger un dossier de qualité, authentique, qui ressemble véritablement au candidat et dont il est fier. Je crois que ce sont les piliers d’une candidature solide pour intégrer Sciences Po. 


Cet entretien a initialement été publié dans le numéro 27 d’Émile, paru en février 2023. Pour recevoir le magazine Émile, il faut être membre de Sciences Po Alumni.


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