Pierre-Henri Dumont, le trublion de la droite

Pierre-Henri Dumont, le trublion de la droite

Émile poursuit sa série de portraits de députés passés sur les bancs de Sciences Po Paris. Rencontre avec Pierre-Henri Dumont, député LR de la septième circonscription du Pas-de-Calais. 

Par Ismaël El Bou-Cottereau

Le député Pierre-Henri Dumont. (Crédits : Assemblée nationale - 2022)

Dans la salle des quatre colonnes, poumon médiatique du Palais Bourbon, les caméras se concentrent sur lui. Ce lundi 20 mars, jour du vote de la motion de censure, Pierre-Henri Dumont multiplie les duplex. Le discours est assuré, les éléments de langage finement distillés ; critiques à l’encontre d’une Macronie « déconnectée », refus de la retraite à 64 ans, défense d’une droite qui ne sert pas de béquille au gouvernement. En sortant du rang, le député du Pas-de-Calais, présenté comme le « frondeur de la droite » par M, le magazine du Monde, prend la lumière. Comme 18 parlementaires de son parti, il a voté la censure du gouvernement, faisant fi des menaces d’exclusions de son président de groupe, Olivier Marleix. En octobre dernier, il dénonçait pourtant « l’alliance entre la carpe wokiste NUPES et le lapin populiste RN », lorsque l’extrême droite avait voté la motion de censure déposée par LFI. Fermement opposé à la réforme des retraites, il a cette fois décidé d’envoyer un « électrochoc » au gouvernement. 

De Sciences Po à l’Assemblée 

Pierre-Henri Dumont fait partie de ces jeunes députés LR, regroupés autour du remuant Aurélien Pradié, qui s'embarrassent peu des consignes d’appareil et font valoir leur « sensibilité sociale ». En interne, il commence à agacer ; des surnoms peu flatteurs lui sont accolés. Les sénateurs LR ont notamment peu goûté sa volonté de supprimer le régime spécial très avantageux dont ils bénéficient. À l’Assemblée, certains collègues de son bord demandent son exclusion, comme pour les 18 autres frondeurs. Jusqu’ici, Pierre Henri-Dumont apparaissait pourtant comme le bon élève, le notable qui avait suivi les étapes du cursus honorum électoral. 

« S’engager à droite à Sciences Po était, comme aujourd’hui, quelque chose de peu commun et d’anachronique. »

À 26 ans, il devient maire de Marck, à 29 ans, il entre à l'Assemblée après un passage au conseil départemental du Pas-de-Calais. Ses parents, encartés au RPR, ne l’ont pas encouragé à embrasser une carrière politique. « C’est grâce à Nicolas Sarkozy que je me suis engagé en politique, explique-t-il. Durant la campagne de 2007, j’étais à Sciences Po. Au niveau national, il y avait une vraie dynamique et un entrain pour la candidature de Sarkozy. S’engager à droite à Sciences Po était, comme aujourd’hui, quelque chose de peu commun et d’anachronique. La gauche strauss-kahnienne, elle, était très populaire à Sciences Po. » Il concilie alors ses études avec la politique, en présidant la section UMP de l’école. Pour l’année 2022-2023, il renoue d’ailleurs avec ses amours estudiantines en étant le parrain de l’association de droite. 

S’il dit garder de « bons souvenirs » de ses années rue Saint-Guillaume, le député jette toutefois un regard critique sur l’IEP parisien : « Je pense que Sciences Po fait disparaître la classe moyenne. Avec la suppression du concours d’entrée, la sélection ne se fait pas sur le mérite mais sur une appréciation un peu faussée des candidats. L’école est en sablier, allant de la gratuité pour les boursiers jusqu’à des frais de scolarité très élevés pour les plus riches. Ce qui fait les 89 députés RN, c’est aussi le sentiment d’inaccessibilité de la classe moyenne à une promotion, à certains emplois, à des études supérieures. Or la classe moyenne, c’est la base du contrat social. »

La volonté d’incarner une droite populaire 

Selon lui, la droite doit s’adresser à la classe moyenne pour ne plus faire du témoignage lors de l’élection présidentielle. « Chaque député est le produit de son territoire ; le mien est difficile, il y a du chômage et on y meurt plus jeune. Ma ligne, c’est moins d’impôts, plus de sécurité, plus de services publics », assène-t-il, en vantant son bilan à Marck, laboratoire programmatique de ce qu’il nomme le « bon sens politique ». 

« Chaque député est le produit de son territoire ; le mien est difficile, il y a du chômage et on y meurt plus jeune. »

Dans cette ville ancrée à gauche, Pierre-Henri Dumont a remporté, en 2014, 42 % des suffrages lors d’une triangulaire. En 2020, la liste de droite fait plus de 70 % dès le premier tour. « J’ai baissé les impôts de 10 %, j'ai supprimé les dépenses superflues des élus, j’ai créé une police municipale et doublé les places en crèche », vante-t-il. Il a aussi conditionné le versement de certaines aides sociales à des heures de bénévolat. 

Les élus avant tout 

Pour lui, l’onction de l’élection compte plus que certaines autorités administratives indépendantes gangrenées par des « technocrates illégitimes » qu’il souhaite « faire sauter ». « L’ADEM (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, NDLR), nous explique-t-il, mène des politiques contraires à celles décidées par les élus et donc les citoyens ». 

Cette vision le conduit également à soutenir, à l’instar de son ami Meyer Habib, député controversé et proche de la droite radicale israélienne, la réforme de la justice de Netanyahou, décriée à cause de son affaiblissement du pouvoir des juges. « Les représentants du barreau d’Israël ne sont élus par personne. La loi propose de confier la nomination des juges à la coalition et au gouvernement. En France, les juges du Conseil constitutionnel sont nommés », défend-t-il, en omettant l’autre volet de la réforme qui vise à permettre au parlement de bloquer les actions de la Cour suprême. 

Un gaulliste antilibéral

Ses positions sur les sujets économiques ne le classent pas dans l’aile libérale de LR. « Plus gaulliste que de droite », Pierre-Henri Dumont défend le rôle de l’État. « Ce n’est pas être crypto bolchévique que de dire ça !  La droite n’a toujours pas compris pourquoi elle avait perdu en 2017. Ce n’est pas seulement à cause des affaires Pénélope Fillon et de la polémique du costume. Le programme n’était pas bon, explique-t-il. Je ne suis pas ultra libéral, je ne dis pas aux pauvres qu’ils doivent travailler plus longtemps, qu’il faut du sang et des larmes pour redresser la France. »

« Je suis plus gaulliste que de droite. »

Toutefois, ses propos très fermes sur l’immigration et son opposition à l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules – une loi qui, selon lui, « a été faite pour séduire une partie de l'électorat parisien pour les municipales » –, l’ancrent dans la droite plus conservatrice. « Il n’occupe pas la ligne la plus centrale de LR, mais il n’est pas non plus hors du parti », confie Hector Vesproumis, président de la section LR de Sciences Po. Après avoir soutenu Aurélien Pradié lors du premier tour du Congrès de LR, Pierre-Henri Dumont s’est rallié au camp d’Éric Ciotti, déterminé à unifier un parti bien trop faible pour se diviser – tout en jouant sa propre petite musique dissonante. De quoi continuer à prendre la lumière médiatique.



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