Léa Salamé sur tous les fronts

Léa Salamé sur tous les fronts

Sous le feu des projecteurs depuis de nombreuses années et davantage depuis son arrivée au 20 Heures de France 2, Léa Salamé (promo 02) est une figure aussi incontournable que controversée du journalisme français. La rédaction d’Émile retrace son parcours. 

Par Lisa Dossou et Thibault Le Besne (promo 24)

Portrait de Léa Salamé par le dessinateur Antoine Coulon.

Est-elle arrivée au sommet  ? Depuis le 1er septembre, Léa Salamé présente le 20 Heures de France 2, un poste considéré comme une consécration dans le monde médiatique. Sa promotion l’expose encore plus qu’auparavant, alors qu’elle attirait déjà de nombreuses critiques. Ambition, polémiques, succès… Dans la presse et sur les réseaux sociaux, les articles et les commentaires se sont déversés tout au long de l’été, jusqu’à son premier JT, le 1er septembre. Retour sur son parcours et ses engagements. 

Échos d’exil

Léa Salamé naît le 27 octobre 1979 à Beyrouth, dans une famille libanaise chrétienne. Le pays est en proie à la guerre civile. Israël bombarde souvent le quartier mixte de Hamra, où elle vit, non loin de l’activiste palestinien Yasser Arafat. De cette période, elle garde le souvenir des nuits passées dans la baignoire – la salle de bains étant la seule pièce qui n’était pas dotée de fenêtres risquant d’exploser – et une phobie des feux d’artifice, dont le bruit lui rappelle celui des bombes. Quand elle a cinq ans, sa famille déménage et s’installe en France, dans le 16e arrondissement de Paris.

Son père, Ghassan Salamé (lire Émile n°13, été 2018), diplomate onusien, professeur émérite de relations internationales à Sciences Po et actuel ministre de la Culture au Liban, lui réclame d’excellents bulletins de notes. Après une licence de droit à Assas, Léa Salamé est diplômée de Sciences Po (promo 02). Pendant son master, elle part étudier le journalisme en échange à la New York University, en 2001. Sa chambre d’étudiante se trouve en bas du World Trade Center. Le 11 septembre, elle sort de chez elle quand l’explosion d’une tour la projette au sol et la blesse.

Depuis deux ans, son enfance sous les bombes revient en écho des bombardements à Gaza et au Liban. « J’ai une histoire, je viens de ces pays-là, les guerres je les ai connues », confiait-elle à Anne-Élisabeth Lemoine dans C à vous, en 2024. « J’ai fui mon pays parce qu’il y avait la guerre entre le Liban et Israël. Mais il y a un moment où tu te caches derrière ta carte de presse et le journalisme et les faits. (...) Je me suis accrochée à l’idée de me dire “tu es une journaliste française, il n’y a pas d’origines”. » 

Pas d’origines ni d’appartenance politique. « Je défie quiconque de dire si je suis de gauche ou de droite », avançait-elle, en 2023, dans Quotidien. L’un de ses principes stricts est qu’elle refuse de signer des pétitions ou de participer à des manifestations.

« Je défie quiconque de dire si je suis de gauche ou de droite. »
— Léa Salamé dans Quotidien

Disciple d’Elkabbach

Autre trait de caractère, Léa Salamé est reconnue pour sa ténacité en interview. Une qualité forgée dès son premier stage chez LCP-Public Sénat. À sa sortie d’études, son père demande à son ami Jean-Pierre Elkabbach un poste pour sa fille. Elle transforme le piston en opportunité pour amorcer sa carrière fulgurante. Testée à la programmation, formée « à la dure », elle fait ses preuves et gagne sa place à l’antenne. À la mort du journaliste politique en octobre 2023, Léa Salamé louera son « talent insensé, inouï, incroyable pour les interviews politiques ». Grâce aux conseils de son mentor, Léa Salamé reçoit, en 2015, le prix Philippe-Caloni de la meilleure intervieweuse.

Mis à part un passage par iTélé de 2011 à 2014, Léa Salamé officie depuis plus de 20 ans sur le service audiovisuel public. Après avoir fait ses preuves à la télévision (aussi sur France 24, de 2006 à 2011), elle passe à la radio, à l’interview politique, puis à la présentation, à partir de 2017.

Dans le même temps, elle est tentée par le divertissement et s’adonne à l’infotainment (qui mêle information et divertissement). Léa Salamé anime tour à tour les émissions On n’est pas couché, Stupéfiant !, On est en direct, Quelle époque ! et Quels jeux ! 

Cet été, Léa Salamé a refusé une offre alléchante de BFMTV pour animer un talk-show quotidien de trois heures (pour pas moins de 50 000 euros par mois, deux fois plus que ce qu’elle toucherait sur France 2). Elle refuse et accepte plutôt de prendre les rênes du 20 Heures, à condition de conserver son émission du samedi soir Quelle époque ! 

Pas de politique, mais des engagements climatiques et féministes 

Ambitieuse et travailleuse, Léa Salamé s’impose où elle veut. À l’approche du troisième sommet sur les océans des Nations unies qui s’est tenu à Nice, en juin dernier, la journaliste manifeste un engagement sur la crise climatique mûri au fil des années. En 2015, son altercation dans On n’est pas couché avec le réalisateur et militant écologiste Cyril Dion avait marqué les esprits. La journaliste l’accusait avec cynisme de promouvoir une écologie punitive qui ne lui donnait qu’envie de se faire « couler un bain moussant et de manger une bonne côte de bœuf ». 

En 2018, sur France Inter, elle fait son mea culpa et lui présente ses excuses, donnant à voir l’évolution de sa conscience de l’enjeu climatique. Après avoir animé l’émission en prime time Aux arbres citoyens, sur France 2, le 8 novembre 2022, c’est à nouveau aux côtés d’Hugo Clément et sur la même chaîne qu’elle présente Urgence océan : un sommet pour tout changer, le 10 juin 2025.

Ses engagements prennent racine dans ses expériences. Celle qui, pendant longtemps, n’osait pas approfondir sa connaissance du féminisme conclut la préface de son livre Femmes puissantes par cette phrase saillante : « Aujourd’hui, je peux le dire sans bafouiller ni tergiverser : oui, je suis féministe. » Son ouvrage, publié en 2021, est issu d’une série diffusée sur France Inter entre 2019 et 2020. Dans chaque épisode, Léa Salamé s’entretient avec une personnalité féminine marquante : Christiane Taubira, Virginie Despentes, Aya Nakamura, Christine Lagarde… Ces conversations et ce livre l’ont aidée à prendre conscience de sa condition de femme. 

« Aujourd’hui, je peux le dire sans bafouiller ni tergiverser : oui, je suis féministe. »
— Léa Salamé, Femmes puissantes

À ses débuts, la journaliste subit le sexisme qui mine sa profession. Aux côtés de David Pujadas dans L’Émission politique, elle tient la rubrique « Le Regard de Léa », passant sous silence son nom de famille et l’enfermant dans quelque chose de subjectif, futile, après que les « choses sérieuses » ont été traitées par son coprésentateur. À de nombreuses reprises, les invités se tournent d’ailleurs vers son confrère pour répondre à la question qu’elle a posée. Cette sensation la quitte quand elle rejoint la matinale de France Inter, notamment aux côtés de Nicolas Demorand – d’où son espoir que les choses changent.

Son épiphanie féministe est paradoxale quand on sait que Léa Salamé a réalisé sa série de podcasts après avoir dû se retirer de l’antenne de France Inter en raison de la candidature aux élections européennes de son compagnon Raphaël Glucksmann (Place publique). « Je ne voulais pas qu’un seul bulletin de vote soit influencé d’une manière ou d’une autre par une de mes questions », justifie-t-elle en présentant son livre dans La Bande originale de Nagui. Ce conflit moral entre ses engagements féministe et journalistique reviendra sur la table en 2027 : Raphaël Glucksmann envisage l’élection présidentielle alors que Léa Salamé présente le deuxième journal de France. 

Cet article a initialement été publié dans le numéro 34 d’Émile, paru en novembre 2025.


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