Les livres de Noël 2025
Émile déroge ce mois-ci à son habituelle sélection de livres politiques. À l’approche des fêtes de fin d’année, nous vous proposons un florilège d’ouvrages rédigés par des Sciences Po à glisser sous le sapin. Romans, essais, BD… Il y en a pour tous les goûts !
Par Lisa Dossou
Pour les férus d’histoire romanesque
Le Crépuscule des hommes
Journaliste et reporter de guerre (prix Albert-Londres 2012), Alfred de Montesquiou se tourne désormais vers la littérature. Son dernier ouvrage, rédigé sous la forme d’un roman historique, revient sur les coulisses du procès de Nuremberg. Chacun connaît les images des audiences où Göring et 20 autres nazis sont jugés, à partir de novembre 1945. Mais que se passe-t-il hors champ ?
Joseph Kessel, Elsa Triolet, Martha Gellhorn ou encore John Dos Passos sont venus assister à ce procès-fleuve. Des dortoirs de l’étrange château Faber-Castell, qui loge la presse internationale, aux box des accusés, tous partagent la frénésie des reportages, les frictions entre alliés occidentaux et soviétiques, l’effroi que suscite le récit inédit des déportés.
Alfred de Montesquiou ressuscite ici des hommes et des femmes de l’ombre, témoins du procès le plus retentissant du XXe siècle. Son ouvrage a été récompensé par le Prix Renaudot Essai 2025.
Alfred de Montesquiou (promo 01), Le Crépuscule des hommes, Robert Laffont, 384 pages, 22 €
Le Billet
Économiste spécialiste des marchés monétaires, Eric Bourguignon signe avec Le Billet son premier roman, une plongée romanesque au cœur du Grand Siècle, entre passions, pouvoir et naissance de la finance moderne.
L’intrigue suit Marie-Anne de Revillier, jeune aristocrate normande propulsée dans le Paris du Marais après la mort de son père. Mariée sans amour au banquier Édouard Wedel, elle s’ennuie et tombe sous l’influence du duc de Brantonge, qui se sert d’elle pour servir ses ambitions politiques. Afin de financer un prêt colossal de trente millions de livres, Wedel imagine alors un subterfuge inédit : le billet de banque.
Entre fiction et faits historiques, ce récit mêle la petite et la grande Histoire et interroge les ravages de l’ambition, la puissance de l’argent et les illusions de l’amour.
Éric Bourguignon (promo 85), Le Billet, Arnaud Franel, 184 pages, 15€
Le moine et l’apsara
En cette année de commémoration de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges, François Huzar, professeur d’histoire-géographie et historien du cinéma, nous plonge dans le Cambodge des années 1960.
Il raconte la rencontre entre Dalin, danseuse apsara héritière de la civilisation angkorienne, et Yith, moine bouddhiste issu du monde rural, dont les destins se nouent au gré des événements.
Tandis que le parcours de Dalin au Palais royal de Phnom Penh révèle l’effervescence culturelle de l’époque, le regard de Yith éclaire les tensions politiques d’un pays bientôt emporté par la guerre civile, jusqu’à l’arrivée des Khmers rouges au pouvoir en 1975.
François Huzar (promo 14), Le moine et l’apsara, l’Harmattan, 258 pages, 23€
C’était LeRoy
Économiste de formation, Stéphane Thimon signe ici son premier roman, dont l’intrigue débute en 1917, aux États-Unis. Le pays entre alors en guerre aux côtés des alliés de l’entente.
LeRoy, un jeune noir du comté de Pine Bluff, en Arkansas, s’engage dans le corps expéditionnaire américain commandé par le général Pershing. Pour le jeune homme, l’armée constitue surtout la possibilité d’échapper à la ségrégation « Jim Crow », qui enferme les Noirs derrière la barrière de la race.
Arrivé en Europe après la longue traversée de l’Atlantique, LeRoy veut forcer le destin, le sien. Que découvrira-t-il là-bas ? Son espoir en un monde post-racial sera-t-il comblé ?
Kolkhoze
Portrait de famille, Kolkhoze retrace l’histoire des quatre générations ayant précédé l’auteur dans les tourments du XXe siècle. De la Révolution bolchevique à l’avènement de la Russie impériale de Poutine en passant par les deux Guerres mondiales qui ont bouleversé le destin de ses aïeux, le lecteur parcourt l’Histoire, à travers celle de sa famille.
En étudiant les archives de son père, Emmanuel Carrère articule observations géopolitiques et souvenirs personnels. Lui et ses sœurs adoraient « faire kolkhoze » lorsque leur père était en voyage d’affaires, c’est-à-dire rejoindre leur mère dans sa chambre, le soir, pour un ultime moment de tendresse. Comme un hommage, le roman met aussi à l’honneur Hélène Carrère d’Encausse, grande femme politique et mère aimante. Finaliste du Goncourt, Kolkhoze a reçu le prix Médicis 2025.
Emmanuel Carrère (promo 80), Kolkhoze, P.O.L, 560 pages, 24 €
Pour penser les grands enjeux de notre temps
Le climat est un sport de combat
Alors que la guerre et les mutations politiques de ces dernières années tendent à reléguer le climat au bas de l’échelle des priorités, l’urgence climatique sévit et nécessite une action concertée et à la hauteur. Dans ce cadre, les COP font figure de réunions dédiées à la discussion et aux négociations pour une gouvernance mondiale de l’environnement, comme l’ont montré les Accords de Paris signés en 2015 à la COP21. Mais que se passe-t-il vraiment lors de ces sommets ? Où en sont ces accords ?
Économiste, diplomate et doyenne de la nouvelle École du climat de Sciences Po, Laurence Tubiana a vécu de l’intérieur ces rencontres réunissant États, ONG, société civile et entreprises, suivie du conseiller en matière environnementale Emmanuel Guérin. En racontant leurs expériences des COP, de Copenhague (2009, COP15) à aujourd’hui, ils nous racontent ainsi les méandres des négociations climatiques, les hauts, les bas, mais surtout la constance de leur engagement et de leur motivation à mener ce combat pour l’environnement.
Dictionnaire ébouriffé de la protection sociale
À l’occasion des 80 ans de la Sécurité sociale, Hervé Chapron propose une traversée aussi lucide qu’incisive de ce patrimoine national aujourd’hui à bout de souffle. À travers une série d’entrées mêlant analyses, tribunes, récits personnels et indignation, l’auteur, cofondateur du CRAPS, l’un des principaux think tanks dédiés à la protection sociale, revient sur l’histoire et les paradoxes d’un système qui peine désormais à satisfaire, jugé trop coûteux par Bruxelles et pas assez généreux par ses bénéficiaires.
Avec humour et fort d’anecdotes, Hervé Chapron plaide pour une reconstruction ambitieuse de ce modèle, débarrassé des a priori technocratiques, afin que la protection sociale, cette invention collective unique, reste une promesse d’avenir.
Hervé Chapron (promo 74), Dictionnaire ébouriffé de la protection sociale, BoD, 780 pages, 23€
Léon Harmel (1829-1915) : l'origine catholique de la paix sociale dans le monde contemporain
Figure majeure qui intéresse aujourd’hui des chercheurs de tous horizons, Léon Harmel (1829-1915) fut à la fois industriel, réformateur social, penseur chrétien et acteur politique de premier plan.
Précurseur des allocations familiales, du comité d’entreprise et du premier parti démocrate-chrétien, Harmel développa un mode de management fondé sur la subsidiarité, en résonance directe avec l’encyclique Rerum novarum de Léon XIII.
À travers cette biographie publiée à l’occasion des 110 ans de sa disparition, Emeric Saucourt-Harmel restitue toute la cohérence d’un parcours marquant, où la foi irrigue aussi bien la vie privée que l’action publique. En s’appuyant sur de nombreuses archives, l’ouvrage éclaire le rôle central de cet industriel dans la naissance d’une « paix sociale » d’inspiration catholique, dont l’influence se fait encore sentir dans le monde contemporain.
Pour parler féminisme sous le sapin
Le Prince Charmant, l’homme qui ne voulait pas être roi
Après des années de loyaux services auprès des femmes des contes de fée, le Prince Charmant fait face à une crise existentielle. Qui est-il derrière tous ces récits à l’eau de rose ?
Parce que l’histoire ne s’arrête pas à l’adage ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants, Isabelle Siac, psychologue et autrice, nous emmène dans ce roman à la découverte de ce prince rattrapé par la réalité de la vie conjugale. Les responsabilités, le manque de désir, la perte de confiance en soi, en ses proches, les traumatismes de ses compagnes… autant d’éléments qui s’imposent à lui, le forçant à une introspection qui mène le lecteur dans ses différentes relations, avec Peau d’Âne, Blanche-Neige et la Belle au Bois Dormant qui ont toutes connu une fin tragique. La relecture de ces histoires passées lui permettra-t-il de mieux comprendre celle de son présent, avec Cendrillon ?
Théories féministes
Le féminisme est un projet politique aux déclinaisons plurielles qui ont toutes en commun un objectif : renverser le patriarcat, cette structure qui empêche femmes et hommes d’évoluer sur un vrai pied d’égalité. Fruit du travail d’une centaine de contributeurs et contributrices, cet ouvrage mêle histoire et sociologie pour retracer des siècles de luttes et de théorisations.
Le féminisme, souvent pointé du doigt, ne vise pas simplement à libérer les femmes, c’est un véritable projet de société qui veut la libération de tout un chacun, y compris des hommes qui peuvent être opprimés par ce système. Aussi le féminisme peut-il être pris sous l’angle du corps, du social, de l’écologie, de l’économie… Autant de conceptions que cet ouvrage donne à découvrir.
Mistinguett, la danseuse qui a sauvé la France
Comme de nombreuses autres femmes, le rôle de Jeanne Florentine Bourgeois dans l’histoire a longtemps été oublié. Plus connue sous son nom de scène Mistinguett, elle a livré d’incroyables prestations d’actrice, chanteuse et danseuse notamment au Moulin Rouge. Elle a aussi permis de déjouer une offensive allemande majeure sur Paris lors de la Première Guerre mondiale, opérant un tournant stratégique dans le cours de la guerre.
Devenue espionne, elle sillonna l’Europe pour obtenir des informations d’hommes influents qui ne se doutaient pas une seconde que son cœur était pris par Maurice Chevalier, alors prisonnier des Allemands.
À l’appui de sources inédites, Bruno Fuligni, historien et écrivain, nous mène dans une histoire palpitante racontée à la manière d’un roman qui fait aussi office de plaidoyer pour la reconnaissance et la gratitude que lui doit la France.
Celle qui part
Mathilde, Ophélie, Sophie, Louane, Léna et Garance ont entre 14 et 50 ans et évoluent loin de Paris et de son tumulte. Dans ce roman, Salomé Berlioux relate le parcours de six femmes originaires du département de l’Allier et de ses alentours. Si toutes y ont grandi, certaines l’ont quitté : l’autrice décrit avec subtilité les victoires et empêchements de ces femmes ancrées dans leur territoire.
Fresque de la condition féminine rurale, Celle qui part dépeint les fractures territoriales, les liens filiaux mais également les discriminations de genre auxquelles sont confrontées les héroïnes. Fidèle à son engagement pour faire connaître la dynamique des territoires français, l’autrice s’attache à en décrire les beautés et les peines, pour en faire ressortir la complexité méconnue.
Salomé Berlioux (promo 14) Celle qui part, Éditions de l'Aube, 208 pages, 17 €
Rebelles. Elles sont vos coachs !
Un regard vers le passé peut toujours permettre de trouver des solutions au présent. Dans ce livre de coaching, Anne Vermès, coach comportementaliste, mobilise ainsi des figures féminines historiques pour tirer de leurs expériences des inspirations pour traverser les difficultés auxquelles nous expose le quotidien.
Quelles leçons Joséphine Baker, Lucie Baud, Louise Weiss, Frida Kahlo ou encore Alice Guy ont-elles laissé dans leur sillage ? Entre conseils pour investir dans ses motivations, méthodes pour faire face à un environnement sexiste, astuces pour savoir négocier et manager habilement, les enseignements à tirer de ces femmes sont multiples.
Ce livre est aussi l’occasion de (re)découvrir leurs histoires en mettant l’accent sur leur capacité d’agir dans des contextes souvent défavorables à l’action et au succès féminins.
Anne Vermès (promo 87), Rebelles. Elles sont vos coachs !, Enrick B. Éditions, 180 pages, 19,50€
Pour ceux en quête de sens…
Où trouver la force ? Et autres questions existentielles
Dans ce nouvel ouvrage, le philosophe et auteur Charles Pépin répond à une soixantaine de questions existentielles qui lui sont régulièrement posées par ses élèves, ses auditeurs, ses lecteurs.
Ils n’ont pas le même âge, ne viennent pas du même milieu, n’ont pas reçu la même éducation, mais toutes leurs questions proviennent d’un vécu, parfois à vif. Et toutes attendent des réponses aussi concises et utiles que possible. Parce qu’il n’est pas simple de répondre à ses propres questions existentielles, Charles Pépin se propose ici de le faire, sous le prisme de la philosophie.
Maillon nu
Nous sommes tous les maillons qui constituent la chaîne du monde, de l’humanité. Et se penser ainsi, en relation avec les autres, interdépendants, fait naître un espoir que la plume de Caroline Giraud, fine écrivaine, parvient à saisir et à décrire avec sensibilité.
Ce recueil de poèmes rappelle le lien des humains à la nature et l’importance des mots pour sortir la tête de l’eau, se sentir vivre à nouveau, attraper au vol un présent qui se désagrège sans cesse.
Caroline Giraud (promo 01), Maillon nu, Rootleg, 98 pages, 9€
L’âme de fond
Inspirée de son expérience au sein du gouvernement, en pleine crise du Covid, Julia Clavel se lance dans l’écriture de cette dystopie où la santé mentale devient un enjeu de vie ou de mort.
Caroline, psychologue aux blessures internes, tente de répondre aux questionnements existentiels d’Hadrien, qui ne parvient plus à se lier émotionnellement, de Sophie, en quête d’épanouissement, et de Michel, ministre de la Santé dépassé par les événements.
Au fil de ce roman choral, nous suivons l’enquête de la psychologue pour comprendre la menace insidieuse qui rôde, tout en suivant l’évolution personnelle des patients au gré de leurs consultations.
Julia Clavel (promo 16), L’âme de fond, L’Observatoire, 432 pages, 23€
Pour les adeptes d’ouvrages illustrés
HugoDécrypte en Russie
Pour mieux comprendre la Russie actuelle, HugoDécrypte emmène le lecteur dans un grand voyage à travers les époques. Pour sa première bande dessinée, le journaliste retrace les grandes étapes de l’histoire russe, de sa création au IXe siècle jusqu’à l’invasion de l’Ukraine, en passant par la bataille de la Moskowa, la révolution bolchevique ou encore l’avènement du stalinisme. On y rencontre de grandes figures historiques telles qu’Ivan le Terrible, Pierre le Grand ou Catherine II.
La création et la chute de l’URSS y sont également retracées, avant d’arriver à la période contemporaine, condensée dans un chapitre intitulé « La guerre de Poutine ». Un vrai cours d’histoire condensé et illustré pour le bonheur des plus jeunes (et des plus âgés) !
Popstars. 40 artistes influentes
De tout temps, les femmes ont investi la scène musicale, dont elles ont été plus ou moins invisibilisées. Depuis les années 1990 cependant, impossible de dénier leur influence dans l’écriture de la musique pop. Dénonçant et luttant contre le sexisme et le racisme inhérent à cette industrie, elles s’imposent aujourd’hui comme des icônes aux textes inclusifs et fédérateurs.
Les sujets de santé mentale, de liberté pour tous et toutes, de discriminations sont de plus en plus abordés par une nouvelle génération de popstars qui réinventent les codes du métier.
Au travers de ces 40 portraits de popstars influentes, de Cher à Billie Eilish en passant par Rihanna et Angèle, la journaliste culturelle Morgane Giuliani retrace les évolutions de la musique pop et de la place des femmes dans une industrie qui ne leur a pas toujours facilité la tâche.
Morgane Giuliani (promo 14), Popstars. 40 artistes influentes, Gallimard Jeunesse, 96 pages, 13,50€
Libres d'obéir
Tiré de son essai éponyme, Libres d’obéir est un roman graphique de Johann Chapoutot, adapté par Philippe Girard. L’ouvrage met en lumière la filiation troublante entre certaines pratiques de management actuelles et les méthodes élaborées sous le régime nazi, en particulier à travers la figure de Reinhard Höhn, ancien juriste du IIIᵉ Reich devenu l’un des théoriciens du management en Allemagne de l’Ouest.
Johann Chapoutot montre comment, dès les années 1930, le monde du travail allemand réfléchit déjà à l’ergonomie, à l’efficacité et même au bonheur au travail, dans l’idée qu’un employé épanoui est plus performant. Le régime valorise une grande autonomie dans les moyens employés, tout en exigeant une obéissance totale aux objectifs fixés.
Une logique que l’on retrouve aujourd’hui dans nombre d’entreprises prônant flexibilité et responsabilisation des travailleurs. La BD illustre ces mécanismes à travers deux femmes cadres contemporaines, prises dans ces injonctions paradoxales qui mêlent autonomie affichée et forte pression sur les résultats.

