Jacques Maire : "Un pavillon de conquête des cœurs japonais"

Jacques Maire : "Un pavillon de conquête des cœurs japonais"

Commissaire général du pavillon français à l’Exposition universelle qui a débuté le 13 avril à Osaka, au Japon, Jacques Maire (promo 86) explique comment la France peut s’illustrer lors de cet événement international.

Propos recueillis par Bernard El Ghoul (promo 99)

Le thème de l’Osaka Kansai Japan Expo 2025 est le suivant : « Concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain ». Comment la France compte-t-elle s’inscrire dans cette réflexion et quelles innovations souhaite-t-elle mettre en avant ?

Le Japon, notamment sa jeunesse, traverse une double crise : une crise environnementale, mais aussi une crise sociale très diverse (subordination des femmes, développement des relations digitales, repli sur soi, crise de la natalité...). Les Japonais sont en quête de sens. C’est pourquoi il est important pour notre pays de remettre l’homme au centre de notre conception du futur. La réponse à cette crise n’est pas avant tout technologique. On ne sera pas plus heureux parce qu’un robot nous apporte le café au lit le matin. Le Pavillon France sera bien sûr porteur d’innovations technologiques, mais en attribuant une mission précise à la technologie : donner confiance dans l’avenir en répondant aux besoins fondamentaux de l’homme et de la nature.

La France et le Japon entretiennent des relations économiques et culturelles de longue date et le pavillon français sera placé à proximité de celui du Japon. En quoi l’exposition peut-elle renforcer ces liens ?

85 % des visiteurs seront des Japonais. Ceux-ci ont longtemps développé un réel attachement à la culture et aux idées françaises, mais ce goût n’a pas été transmis aux jeunes générations. Les échanges économiques sont très positifs entre les deux pays, avec une grande stabilité et des affaires prospères, mais la France est en position défensive et ni l’investissement ni le commerce ne se développent depuis des années. Nous souhaitons remonter la pente en proposant un pavillon de conquête des cœurs japonais, notamment des plus jeunes. Les entreprises, territoires et opérateurs français pourront utiliser cet espace exceptionnel qu’est le Pavillon France pour organiser un événement ou échanger avec leurs partenaires japonais grâce à un accès privilégié. J’accueillerai avec plaisir les alumni de Sciences Po au Japon, s’ils souhaitent s’y réunir.

« Nous souhaitons proposer un pavillon de conquête des cœurs japonais, notamment des plus jeunes. »

Le fil rouge du Pavillon français est un « Hymne à l’amour ». Emmanuel Macron a déclaré à ce propos : « S’il est un sentiment associé à l’imaginaire français, c’est bien celui d’amour. » Dans une interview au Figaro, vous dites que, pour les Japonais, « l’amour est un occidentalisme ». Pourriez-vous développer cette idée?

Les Occidentaux comprennent très bien la notion d’Amour avec un A majuscule, qui englobe des réalités très différentes : l’amour-passion, l’amour charnel ou platonique, l’amour d’une mère pour son enfant, l’amour des arts ou de la cuisine... Pour les Japonais, chacune de ces dimensions se dénomme différemment. L’approche du Pavillon France – l’hymne à l’amour – reprend cette vision très large. Elle commence par l’amour de soi, qui englobe les questions de santé, d’autonomie, d’éducation, de vieillissement... Elle se poursuit par l’amour des autres, qui place en son cœur l’acceptation de la différence et l’inclusion, et se décline dans le bonheur d’être ensemble, un certain art de vivre, la culture, le sport, le jeu, la gastronomie... Cet hymne comprend enfin l’amour de la nature, qui fait référence à la biodiversité, la transition écologique et énergétique, l’économie circulaire... Le Pavillon France tiendra bien sûr la promesse de l’amour romantique, mais il ira bien au-delà.

Dans le même entretien, vous parliez de l’Exposition universelle comme d’un spectacle collectif, au sein duquel le Pavillon France se livrera à un « concours de beauté extérieure ». Pouvez-vous nous en dire plus sur le concept architectural et scénographique du pavillon français ? Quels messages et expériences souhaitez-vous offrir aux visiteurs ?

Le Pavillon France est un bâtiment monumental de près de 400 m2, 17 mètres de haut et 90 mètres de long proposant de nombreuses expériences : une grande exposition permanente avec un jardin, des expositions temporaires, un bistrot, une boulangerie, une boutique, un espace événementiel, un lounge pour les partenaires, des salons protocolaires... mais c’est aussi la traduction architecturale du message d’amour que notre pays adresse au visiteur. La façade principale, résolument contemporaine, est enveloppée d’immenses drapés, à la façon d’un théâtre. C’est une vision douce, qui rappelle Cristo.

« La scénographie de l’exposition permanente, propose un voyage qui repose sur une “pulsation” venue des profondeurs du pavillon et se diffusant dans tous les espaces. »

Au centre de la scène, tels deux acteurs classiques, le moulage élancé de Psyché enlevant Bérénice, issu de l’atelier du GrandPalaisRmn, fait écho à l’amour. La rampe d’accès, habillée de cuivre rosé, crée un jeu d’éclats chaleureux, invite le visiteur à parcourir les différents étages d’un pavillon hospitalier. Le balcon surgit comme une alliance au milieu de la façade. Le visiteur surplombe l’entrée et le paysage. La scénographie de l’exposition permanente, conçue par Justine Emard et GSM Project, propose un voyage qui repose sur une « pulsation » venue des profondeurs du pavillon et se diffusant dans tous les espaces. Elle accompagne le visiteur dans une grande traversée des savoir-faire français, qui apportent une réponse sensible et artistique aux défis du monde actuel.

Pourquoi Cofrex est-elle, selon vous, la meilleure structure pour mettre en œuvre ce type de projet ?

Jacques Maire, commissaire général du Pavillon France à l’Exposition universelle d’Osaka. © DR

J’ai connu une période où il fallait monter une structure ad hoc à l’occasion de chaque Exposition universelle. Repartir de zéro à chaque édition en recrutant des compétences, organiser des process de marchés, juridiques, financiers, de gouvernance... Tout cela faisait perdre un temps important et ne mettait pas la France en bonne position face à la montée des coûts de construction, des exigences règlementaires, des risques financiers et des attentes d’un public toujours plus exigeant. Cofrex, créée en 2018, est une structure très légère (moins de 10 personnes en phase de conception). Elle est singulièrement montée en compétences et donne à l’État de solides garanties pour gérer au mieux l’argent public et celui des partenaires du pavillon, tout en proposant un espace de qualité. Je vous invite à le vérifier de vos propres yeux à Osaka, ou en visionnant le film à 360 degrés qui sera accessible en ligne dès le 13 avril.

Au-delà de 2025, quelle image souhaitez-vous que le Pavillon France laisse, aussi bien pour celle de l’Hexagone au Japon que pour les entreprises et institutions françaises impliquées ?

Les statistiques de fréquentation, le nombre d’événements et de rencontres d’entreprises sont toujours très impressionnants dans une Exposition universelle. Mais ce sera d’abord aux entreprises et aux autres partenaires scientifiques, culturels, territoriaux, institutionnels de dire si l’accueil et l’expérience proposés par le Pavillon France leur ont permis de progresser dans leurs relations avec les Japonais et l’ensemble des pays et des visiteurs présents. Au moment où les rapports entre États et communautés se durcissent, nous souhaitons que les Japonais identifient la France comme un partenaire fiable, crédible, qui apporte des solutions, des connaissances, des esthétiques, des savoir-faire rencontrant leurs aspirations. C’est en s’adressant à l’intime de chaque visiteur que le Pavillon France a peut-être une chance de laisser une trace sensible et durable dans le cœur des Japonais.

Le pavillon français à l’Exposition universelle est un bâtiment monumental conçu comme un “hymne à l’amour” © Coldefy & CRA-Carlo Ratti Associati



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