Christine Lavarde : “Marquer le coup pour obliger le gouvernement à se positionner”

Christine Lavarde : “Marquer le coup pour obliger le gouvernement à se positionner”

Après avoir corédigé un rapport sur l’exploitation des ressources spatiales en 2023, la sénatrice Christine Lavarde (LR) a déposé une proposition de loi pour ajouter cet objectif à la législation française.

Propos recueillis par Thibault Le Besne (promo 24)

L’exploitation des ressources de l’espace n’est pas mentionnée dans la loi spatiale française de 2008. Faut-il modifier ce texte fondateur ?

Nous avons déposé, le 4 février, une proposition de loi pour compléter celle de 2008 et traiter la question des ressources, à l’instar de ce qu’ont fait le Luxembourg et d’autres pays, afin que la France ne soit pas en retard. Il y a un accord pour son inscription à l’agenda parlementaire en mai. On aurait pu ne faire qu’un débat à l’Assemblée mais avec Vanina Paoli-Gagin [co-rapportrice du rapport adopté le 1er juin 2023, NDLR], nous nous sommes dit qu’il fallait faire cette modification de la loi spatiale pour marquer le coup, ce qui va obliger le gouvernement à se positionner. Le dépôt de notre proposition de loi, c’est aussi pour envoyer un vrai signal et dire qu’il faut accélérer.

Dans votre rapport, vous écrivez que «l’exploitation des ressources spatiales va de toute façon avoir lieu». Comment affirmer cela ?

Christine Lavarde, sénatrice (Crédits : Elisabetta Lamanuzzi)

J’en suis convaincue parce qu’aujourd’hui, des start-up perçoivent bien l’enjeu et n’hésitent pas à mettre des moyens, à lever des fonds. Il y a tout un écosystème qui innove en la matière, pour l’instant à ses risques et périls. Mais du côté européen, on a le sentiment que la puissance publique n’est pas là. C’est très différent chez les Américains, où il y a une grosse commande publique et où c’est clairement l’État fédéral qui soutient l’écosystème. Nous, on l’a fait un petit peu avec France 2030, en soutenant de nouvelles entreprises du spatial, mais on ne va pas assez loin. Je pense que cela transparaît bien dans notre rapport, dans lequel nous alertons sur le fait que si l’on veut être au niveau des Américains, il va falloir que le secteur public prenne les choses en main.

« Si l’on veut être au niveau des Américains, il va falloir que le secteur public prenne les choses en main. »

Où en sont la France et l’Europe dans la course aux ressources spatiales ?

Ce dont on a pris conscience au cours des auditions, c’est que la France en tant qu’État se repose beaucoup sur le droit international et pense – à juste titre – que c’est un bien commun de l’humanité qui devrait être géré par les Nations unies et le Copuos [Committee on the Peaceful Uses of Outer Space, NDLR]. L’espace est quelque chose qui appartient à tout le monde, mais qui n’appartient à personne, comme les grands fonds marins. Mais il ne se passe pas grand-chose dans ce comité de l’ONU et donc chaque pays qui a envie d’avancer prend sa propre législation sans s’occuper de ce qui passe ailleurs. Le Luxem- bourg a ouvert la voie. Depuis, il y a eu les États-Unis, les Émirats arabes unis... La liste s’allonge, donc il n’y a pas de raison que la France et l’Europe soient en retard alors qu’on a des entreprises très en pointe. On parle de l’encombrement orbital et des satellites, mais pas de l’exploitation des ressources spatiales. On n’est pas encore allés un peu plus loin. Nos technologies consomment des matériaux rares qui sont en quan- tité limitée sur la Terre ou créeraient des dommages très importants à la biodiversité si on continuait de les exploiter. Alors que sur les astres extraterrestres, on n’a pas trouvé de vie. Ça peut être un moyen de poursuivre notre développement économique tout en préservant notre planète.

Cette vision dépend-elle des appartenances politiques ?

La délégation à la prospective a vocation à éclairer le futur. J’en suis membre depuis sept ans. Les travaux sont toujours adoptés à l’unanimité. Il s’agit d’attirer l’attention des parlementaires sur ce qui va changer et nous fera manquer des opportunités si on ne s’en saisit pas. Nous sommes allées au Luxembourg, nous avons rencontré des entrepreneurs français qui nous ont dit que le droit français les empêche d’exploiter les ressources spatiales alors que le droit luxembourgeois le leur permet. On rate des opportunités parce que certains pays offrent des perspectives aux entreprises que le cadre français n’offre pas. C’est toute notre industrie spatiale qui pourrait en pâtir.

« On rate des opportunités parce que certains pays offrent des perspectives aux entreprises que le cadre français n’offre pas. »

Quels moyens vont être attribués au secteur dans un futur proche ?

Quand on regarde les discussions autour de la loi de finances ini- tiale pour 2025, le budget du spatial est dans la mission «recherche» et il fait l’objet d’un certain nombre de coupes. C’est toujours la difficile équation entre court terme et long terme. Si on veut vraiment se positionner sur le long terme et avoir une économie compétitive, c’est le genre de politique publique sur lequel il faudrait continuer à investir massivement. Or là, nous sommes soumis à des contraintes de court terme que sont l’équilibre budgétaire et un déficit public important.



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