Shippeo : Optimiser la visibilité en temps réel du transport multimodal
Cofondateur du leader mondial de la visibilité en temps réel des transports, Lucien Besse (promo 14) revient sur la genèse du projet Shippeo, son expansion aux États-Unis, sa dernière levée de fonds et les enjeux stratégiques à venir, entre innovation produit et exploitation intelligente des données de la supply chain.
Propos recueillis par Alessandra Martinez
Quelles ont été les étapes de la création de Shippeo et quel a été le rôle de l’incubateur de Sciences Po ?
Le projet s’est construit progressivement avec mon associé, Pierre Khoury. L’idée est née durant mon année de césure, lors d’un stage en private equity dans un fonds spécialisé dans le retournement d’entreprises en difficulté. C’est là que j’ai rencontré mon futur associé. Nous avons commencé à nous intéresser à la logistique et au transport. Quand nous avons décidé de nous lancer, nous avions besoin d’un cadre. Je connaissais déjà bien l’incubateur de Sciences Po via la Junior Entreprise, et rejoindre cette structure a été une transition naturelle. Son premier rôle a été de nous fournir un espace de travail, mais aussi un environnement stimulant, entourés d’entrepreneurs et de soutiens bienveillants. L’incubateur nous a également donné accès à des subventions et nous a permis de rencontrer notre premier business angel, Vincent Mercier, ancien patron de Roland Berger et membre du fonds L’Ange Basile.
Shippeo s’est imposé comme le leader de son secteur. Qu’est-ce qui différencie votre solution des autres acteurs du marché ?
Le marché du transport et de la logistique est complexe. Nous avons construit une plateforme permettant de suivre en temps réel les flux de transport B2B. L’objectif est d’offrir aux entreprises la même expérience de suivi que celle qu’Amazon peut proposer en B2C : savoir exactement où se trouvent leurs camions, conteneurs, trains ou avions, et ainsi, mieux gérer leurs opérations. Notre différence réside dans notre approche. Contrairement à nos concurrents américains, dont les solutions sont adaptées à leur marché domestique, nous avons dû intégrer la complexité logistique européenne : une multitude de pays, une diversité de modes de transport... Cela nous a encouragés à développer une technologie plus sophistiquée, avec un accent mis sur la qualité des données et l’intégration poussée des systèmes des transporteurs. Aujourd’hui, nous sommes reconnus comme étant la solution la plus sûre en termes de qualité des données et pour la fiabilité de nos estimations d’heures d’arrivée (ETA).
Quels ont été les moments marquants dans l’évolution de Shippeo ?
Nous avons eu un démarrage que je qualifierais de laborieux dans le bon sens du terme. Nous n’avions aucune expérience dans le secteur et sommes partis d’une feuille blanche. Il y a deux façons de créer une entreprise : soit on part d’un problème que l’on a vécu et que l’on veut résoudre, soit on analyse froidement un marché en se disant qu’il y a des opportunités. Nous étions clairement dans la deuxième approche. En 2016, avec notre première levée de fonds auprès d’Otium Capital, nous avons enfin trouvé un début de product-market fit. L’année suivante, notre série A avec Partech nous a permis d’accélérer à l’international, notamment en Allemagne. Puis, en 2022, nous avons amorcé notre expansion aux États-Unis.
“« L’un de nos défis majeurs sera d’exploiter cette richesse, notamment avec l’intelligence artificielle, pour rendre notre plateforme encore plus prédictive et plus actionnable. »”
Vous venez de lever 29 millions d’euros auprès de Woven Capital. Quel est l’objectif de cette nouvelle levée ?
Depuis sa création, Shippeo a levé un peu plus de 100 millions d’euros. Cette dernière levée vise deux axes principaux: accélérer notre développement aux États-Unis et continuer d’investir massivement dans notre produit. Le marché américain est stratégique pour nous. Nous avons commencé à nous y développer avec peu de moyens, et cela a plutôt bien fonctionné. Aujourd’hui, nous voulons intensifier cet effort et nous visons à terme une part d’au moins 50% de nos revenus générés sur ce marché.
L’autre enjeu est d’accélérer notre roadmap produit. Nous travaillons sur l’évolution de notre offre vers une plateforme encore plus intelligente et proactive. Nous avons une quantité gigantesque de données issues des flux de transport de nos clients. L’un de nos défis majeurs sera d’exploiter cette richesse, notamment avec l’intelligence artificielle, pour rendre notre plateforme encore plus prédictive et plus actionnable. En parallèle, nous avons également une feuille de route pour l’Asie. L’entrée de Woven Capital, le fonds de Toyota, dans notre capital, va nous donner un coup d’accélérateur sur ce marché.
Cet article a initialement été publié dans le numéro 32 d’Émile, paru au printemps 2025.