Manuel Catteau : “La science est un créneau porteur pour les documentaires”
ZED produit un film sur la mission Artemis, qui sera de retour sur la Lune en 2026. Président de cette maison de production, Manuel Catteau (promo 89) explique comment il a convaincu des chaînes de télévision du monde entier de diffuser ce documentaire.
Propos recueillis par Thibault Le Besne (promo 24)
Comment êtes-vous parvenu à vendre ce projet?
On propose un projet aux chaînes et on essaie de les impliquer en amont de la production pour obtenir des préfinancements. Ce film sur Artemis s’est vendu assez rapidement à partir du moment où on a eu accès à la NASA et à l’ESA pour filmer ce que l’on voulait. En six mois, des chaînes importantes s’y sont intéressées. France Télévisions, la ZDF en Allemagne, la SVT en Suède, la NHK au Japon, PTS à Taïwan cofinancent le film. Et il est probable que d’autres viendront s’ajouter à cette liste.
Nous parlons d’un film à 1,2 million d’euros, ce qui représente beaucoup d’argent pour un documentaire. C’est pour cela que ça nécessite d’avoir plusieurs partenaires, France Télévisions ne peut pas le financer seul. On essaie aussi de ne pas s’endetter.
Souvent, le budget n’est pas couvert par le premier partenaire qui s’engage et on démarre sans avoir trouvé les autres. C’est là qu’est la prise de risques. Pendant le processus de production, qui peut être long – deux ans et demi sur ce film –, l’idée est de trouver d’autres partenaires pour arriver à l’équilibre. Dans ce cas précis, on y est.
Vous réalisez la majorité de votre chiffre d’affaires à l’étranger. Vendez-vous le même documentaire à tous les pays?
Nous vendons un projet. On livrera une version en juin-juillet et après, chaque chaîne pourra finaliser la sienne. Ça va être le cas des Allemands. Le film comporte deux épisodes, mais ils veulent un film d’une heure, donc ils vont le raccourcir. Les Japonais vont aussi le modifier parce que la télévision nippone est très différente de la télévision française et européenne, leur façon de raconter les histoires aussi.
Avant ce film sur la mission Artemis, vous avez produit d’autres documentaires sur l’espace. Pourquoi vous positionner sur ce secteur?
La science est un créneau porteur pour les documentaires, notamment l’espace. C’est un peu un marronnier, un thème sur lequel il y a toujours une appétence du public et donc des commandes des chaînes. Surtout en ce moment, où une révolution technologique est en cours. On est à un moment où l’humanité va se projeter dans l’espace. On essaie toujours de trouver des événements auxquels on peut se raccrocher, comme Artemis. C’est un événement mondial, donc les chaînes cherchaient un film pour surfer sur le phénomène.
“« On va raconter les premiers pas d’une femme sur la Lune et imaginer cette mission avec des images de synthèse ultra-réalistes »”
Il y a de la concurrence, mais on a eu des accès que la NASA n’a donnés qu’à très peu de sociétés. Notre projet est très original : on va raconter les premiers pas d’une femme sur la Lune et imaginer cette mission avec des images de synthèse ultra-réalistes grâce à deux logiciels utilisés dans l’industrie des jeux vidéo (MetaHuman et Unreal Engine). Nous n’allons rien inventer – le programme de la mission est déjà scellé –, sauf les émotions associées à cette aventure.
Pour tous les films que l’on produit, il y a toujours au moins un conseiller afin de vérifier que ce qu’on dit est exact. Tout le commentaire du film est validé par un scientifique. Là, on a reconstitué en images de synthèse le sol de la Lune à partir de photos fournies par la NASA. Donc le sol qui sera dans le film est exactement – au caillou près – celui de la Lune.
Que vous apporte au quotidien votre master en économie et finance, dont vous avez été diplômé en 1989 ? Qu’en retenez-vous ?
Ce cursus formait les étudiants pour qu’ils soient capables d’intégrer beaucoup de connaissances et de les synthétiser. Mon métier de producteur se rapproche de cette mécanique. Il faut savoir manier des matières assez différentes : à la fois tout un pan comptabilité-finances et un autre aspect beaucoup plus artistique avec des auteurs, des réalisateurs, des scripts, de la musique. Il faut à la fois de la rigueur et de la créativité, parvenir à gérer le quotidien et avoir une vision sur le temps long.
Je me souviens de Michel Winock, qui enseignait les idées politiques en amphi, c’était formidable. Et j’avais un prof d’histoire, Jean-Pierre Azéma, qui m’a passionné. Je me souviens aussi, au cours de cette période, d’un petit journal satirique dans l’esprit du Gorafi, à mourir de rire.